Je me souviens de deux.
C'était il y a longtemps, dans un autre monde, deux fois un autre monde, donc.
Mais je m'en souviens aujourd'hui parce que c'est leur magie et leur fonction, dire les choses trop immenses, trop graves, trop pesantes et trop dérisoires pour être dites.
Deux triades, donc, prononcées dans la beauté étrangère, dans l'harmonie décalée, d'une salle de banquet aux marches des Cours du Chaos. Je me souviens des mots et des regards, et des voix qui les ont prononcés.
Douloureux comme...
— L'aube qui sépare les amants.
Un lieu commun. Il est des choses bien plus terribles que l'aube pour séparer les amants, des herses bien plus tranchantes et plus lourdes.
— Le désir inassouvi.
Encore une banalité. Ou pas. Ou il faut rappeler que le désir compte, quoi que disent les fables, qu'on n'esquive pas le désir, ni son absence. Qu'il a son rôle à jouer dans l'amour, ni un trop grand rôle ni un trop petit.
Et puis la femme aux cheveux d'or, qui connaît depuis longtemps les cent nuances de désirs et d'amours achève la triade:
— Le désir, assouvi.
Et c'est plus qu'un retournement facile, qu'une astuce rhétorique. C'est dire la douleur du désir qui s'étiole, de l'amour qui s'éteint, l'inacceptable absolu de ce qui était, immense et infini, et qui, sans raison, sans cataclysme, sans deuil, cesse d'être.
C'est le première triade dont je me souviens, aujourd'hui.
La seconde est sombre aussi. Poignant comme...
Le premier homme à parler est un guerrier et un amant, un ami et un exilé, un homme qui a traversé trop de batailles. Un survivant.
— Les mots qui sont dits trop tard.
La seconde est une femme enthousiaste, passionnée, entière.
— Etre trahi par l'être qu'on aime.
Et le retournement est le même, si facile en apparence, si éprouvant en réalité, si... poignant, oui. Qui faut-il être pour parvenir à prononcer ces mots, à en connaître l'affreuse nécessité?
— Trahir l'être qu'on aime.
C'était, cette fois-là, dans ce monde-là, une femme de devoir, qui sait que l'amour ne suffit pas.
Un bien-aimé, un mashiaru m'a dit un jour très justement que je racontais souvent la même histoire d'amour, une histoire disant que l'amour ne suffisait pas, un personnage amené à sacrifier cet amour, non pour quelque chose de plus grand, ni de plus intense, juste... pour quelque chose de plus nécessaire. Ou de nécessaire à un plus grand nombre. Banale tragédie.
Ne pas oublier, ne jamais oublier, à quel point elle est poignante. Trahir l'être qu'on aime. Ou le quitter. Ou, et les triades se rejoignent, ne plus l'aimer. Ne pas assez l'aimer.
Et malgré tout, malgré ces deux fois trois réponses, cette note ne dit rien, cette note triche et contourne, te contourne, contourne tes larmes.
Tes larmes seraient une triade sans troisième terme, une triade dont la fin serait tue, une triade dont on espérerait confusément qu'elle soit interrompue par n'importe quoi, la guerre, l'apocalypse, les ténèbres, pour ne jamais avoir à prononcer la fin.
3 commentaires:
Qu'il est amer de vivre et revivre les clôtures de tes triades.
Qu'il est cruel de voir quelqu'un souffrir, se débattre, et être impuissant, malgré tout notre amour, à l'aider à remonter à la surface et à revenir sur la rive.
Qu'il est stupide d'entendre de faux encouragements "ça pourrait être pire".
Qu'il est désespérant de sentir que tous sommes blessés à l'identique.
Qu'il est beau de savoir que malgré tout nous avançons, apprenons et aimons.
"Tears of the Dragon", en 2 notes. La précédente était le refrain, voici les couplets.
Tu sais où retrouver les lyrics de cette chanson qui m'est si chère ;o)
Les paroles? Sur mon disque dur... :)))
Tant il est vrai que cette chanson m'est chère aussi, de bien des façons, pour bien des raisons.
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