vendredi 28 juillet 2006

DE SEL ET D'ACIER

— Aide moi, père. Aide moi à garder mon armure.
— Je ne suis pas inquiet. Tu as compris la seule chose qui importe: les larmes ne rongent pas les armures d'acier.

Les larmes, et les mots, sont comme la fièvre. On croit qu'ils sont la maladie, alors que c'est précisément le contraire, alors qu'ils sont notre soupape, la façon dont nous luttons contre la maladie.
En réfrénant les mots, ou les larmes, on repousserait la seule chose qui puisse nous sauver.

— Pleure, et ton armure ne se fendra jamais.

mercredi 26 juillet 2006

CHUT

Parce que trop délicat, trop émouvant, pour être publié.

Merci.

mardi 25 juillet 2006

PARLER D'AMOUR

Au présent, et laisser de côté les archives.
J'en ai de nombreuses, encore, mais ce temps-là est passé. Que l'été ne soit pas le temps des bilans, mais celui de la sensation, de l'émotion, du sentiment. Au présent.
Rappeler que l'amour ne se conjugue vraiment qu'au présent, que l'amour au passé change de forme, de genre, de nombre, devient les amours, littérature, "que sont-elles devenues?", une forme de nostalgie, des paradis perdus.
Non.
Ce n'est pas ce que je veux, ni ce que je sens.
Je vibre, j'aime, je m'émeus, je souris, je rougis parfois. Plus que parfois. L'amour est toujours coupable. Personne n'est innocent. Personne n'est pur.

Rappeler que si l'amour est un feu ce n'est pas seulement parce qu'il brûle la peau le coeur et l'âme, pas seulement parce qu'il est la merveille volée aux dieux par Prométhée et ses héritiers -- mais aussi, très simplement, parce qu'il ne peut subsister sans être entretenu. L'amour a besoin de matière, de présence, de mots, de gestes, de preuves, de moments partagés, de souvenirs communs -- tout combustible lui est bon, mais sans combustible, il ne peut que s'éteindre. La flamme éternelle est un mythe. Moins qu'un mythe: un mensonge.
La flamme n'est éternelle que si prêtres et prêtresses la nourrissent chaque jour.

Rappeler que l'amour ne dévore pas, contrairement à la passion, il nourrit.
Il enchante, soulève, nous rit aux éclats, ensoleille, nous danse.
Il est immoral. Toujours.
Rappeler qu'il a trop de noms et de formes pour être muselé, canalisé, borné. Qu'il n'exclut nulle autre tendresse.
Rappeler qu'il se dit, c'est une part de son charme et de sa force: l'amour se déclare, se dévoile en public, se révèle, s'évoque, se rêve. Ceux qui prétendent le taire à jamais courent le risque de lui porter un coup fatal. La plupart du temps, ils se vantent seulement. On ne tait pas l'amour: il jaillit.
Rappeler qu'il s'apprend et que pourtant il est inné. Il en est de même pour tout art, même occulte.
J'écris, parle, rêve, au présent. Ce sont mes vraies couleurs. Je ne vous demande pas pardon.

lundi 24 juillet 2006

ARCHIVES AMOUREUSES (2) : DERNIÈRES PAGES DU JOURNAL D'ÉRIC D'AMBRE

Je commence à en avoir assez de penser à toi, salaud. Je ne vois pas comment je pourrais faire autrement. Il me semble que je n’ai jamais cessé de penser à toi. Comme je n’ai jamais cru à ta mort, d’ailleurs. Inutile de dire que j’étais bien placé pour ça. Je ne comprends pas que personne ne t’ait retrouvé avant Flora. Je connais les rouquins : ils ont dû estimer que la situation était idéale, puisque tu étais inoffensif et qu’ils se réservaient la possibilité de t’utiliser plus tard. Tu as toujours été trop coulant avec Bleys et Brand. Non, même pas coulant, seulement naïf. Tu t’imaginais qu’ils t’aimaient bien, et il fut un temps sans doute où c’était presque vrai. Etre allé te jeter dans les bras de Bleys à un pareil moment, tu avoueras que c’était vraiment stupide. Si vous aviez réussi, il n’aurait fait qu’une bouchée de toi, mon pauvre frère. Tu ne sauras pas que nous t’avons sauvé la vie. Oui — n’empêche que c’est moi que tu as maudit, et pas lui.
Comment ne pas te penser sans cesse ? Quand tu étais en prison déjà je sentais toujours ta présence, quelques centaines de pieds au-dessous de ma chambre. Je faisais des cauchemars la nuit. Je me demandais si tu n’étais pas devenu sorcier toi aussi. Je ne l’ai pas raconté aux autres : ils auraient parlé de remords et j’aurais été ridicule. Je sais maintenant. Ta malédiction m’environne de toutes parts, elle me suit comme une ombre, elle me suivrait dans n’importe quelle Ombre. Je ne sais pas où tu es exactement mais ça n’a pas d’importance. Tu es tout près. Tu ricanes dans mes miroirs. Tu finiras bien par m’avoir, salopard.
Je te comprends, Corwin, même si le contraire est faux. Mais je te comprends aussi de ne pas me comprendre. Et je te dispense de proclamer que je ne pourrai jamais concevoir tes siècles d’errance et d’amnésie, tes années de prison et de cécité. Je sais. Et les deux fois, c’était à cause de moi, n’est-ce pas ? Est-ce que j’aurai passé ma vie à essayer de t’enterrer vivant ? Vivant, Corwin, c’est ce que tu n’as pas compris. Je n’aurais pas pu te tuer. Toi, oui. Il y a en toi une rage que je n’ai jamais éprouvée. Je la sens. Tu as fait en sorte que je ne l’oublie jamais.
C’est idiot, Corwin. Il y a dans toute cette histoire quelque chose de démesurément stupide que je n’arrive pas tout à fait à cerner. Je vais essayer de dormir.


Julian me conseille d’aller faire un tour à Tir-na Nog’th. Absurde. La cité lunaire, matrice de Grayswandir, a toujours été de ton côté. Et je n’ai pas besoin d’elle pour voir ton fantôme, maudit frère. Ton fantôme marche dans mes pas depuis quelque chose comme quatre siècles. Peut-être un peu moins. Je n’ai pas besoin non plus d’aller chercher, d’aller comprendre. Je sais tout. Ce n’est pas une blague.
Ambre est attaquée. Tu n’en finiras pas de t’allier à Bleys contre moi, même sans le faire exprès. A Bleys contre toi-même aussi, que tu le veuilles ou non. D’ailleurs c’est presque la même chose : toi ou moi. J’aurais peut-être dû te le dire un jour ou l’autre. Trop tard. Nous avons largement dépassé le point de non-retour.
Tiens, je peux te deviner sans effort. Tu prépares une force armée que je sens et crains inédite. Tu te tiens soigneusement à l’écart et refuses tout appel. Je sais, j’ai essayé plusieurs fois de te joindre. J’aurais aimé pouvoir te parler, même en vain. Tu t’es rendu peut-être dans l’une de tes Ombres familières. C’est risqué, car elles ne sont pas si nombreuses : je les connais toutes. Mais tu as toujours eu un faible pour les pèlerinages. Moi aussi, bien sûr. C’est à en crever de rire jaune : je peux prévoir chacun de tes actes mais je ne peux pas les contrer. Tu sais très bien qu’Ambre est menacée. Gérard te l’a dit. Il ne m’a pas vraiment raconté qu’il t’avait vu mais il n’a jamais été capable de dissimuler. Tu t’en fous. Tu imagines que c’est une astuce pour te dissuader ou que si c’est vrai, cela ne peut que te servir. Mais tu ne t’allieras pas avec eux. Ce n’est pas ton genre. Je te connais sur le bout des doigts, idiot, ou même — je te connais par cœur. Je n’y ai pas de mérite. Nous sommes pareils, ou peu s’en faut. Mais je suis meilleur que toi, parce que je sais que nous sommes pareils. Et je suis le meilleur roi possible pour Ambre, peut-être même en te comptant. Je suppose que chacun de nous pense la même chose. Pourtant je sais que c’est vrai. Et je suppose que chacun des autres se persuade aussi de cela. Tant pis. Il m’arrive même de penser que je suis meilleur roi que ne le fut Père. Et même aujourd’hui cela ressemble assez à du lèse-majesté. Je n’en suis plus à une condamnation capitale près.
Et je sais aussi que tu as une bonne chance de me battre, parce que justement tu ne veux pas savoir que nous sommes pareils, et parce que tu me hais. Et que je n’y peux rien, frère.


Tu es têtu, Corwin, peut-être le plus têtu d’entre nous. Et en plus tu as des entêtements astucieux. Mais je m’obstine aussi. Je t’ai écrit. Ça ne servira à rien d’autre qu’à me prouver que j’ai tout fait, tout essayé. Je n’ai pas non plus perdu le goût prudent de la litote. Tant pis. Et si je m’acharne maintenant qu’il est beaucoup trop tard, c’est à cause d’Elle, Ambre. Toujours à cause d’Elle.


J’ai un peu trop bu. C’est un jour d’anniversaire. J’ai passé la journée à faire des plans de défense de la Cité avec l’état-major, et j’ai pensé à notre première guerre. La première fois où j’avais préparé la défense d’Ambre. J’aurai toujours été du même côté de la barrière. C’est comme ça. Il faut vraiment que j’aie bu pour penser avec des toujours et des jamais. C’est l’anniversaire du jour où j’ai reçu ton message. “Je reviendrai, Eric. “ Ça n’était pas vraiment utile, sauf à me prouver que tu n’avais pas changé. J’avais tort peut-être : nous sommes pareils, mais tu seras toujours mon petit frère. C’est ma dernière satisfaction mesquine, et je glousse dans ma barbe comme tu le ferais à ma place. Si tu avais une barbe. Dans ma prison tu en avais une bien sûr, mais tu exigeais toujours d’être rasé à chacune de tes sorties. Caine m’avait dit que c’était folie de vouloir t’obliger à me couronner. Il pensait sûrement que c’était de ma part une volonté de t’humilier. Caine juge des autres à son aune méprisable et mesquine. De quelles autres mains pourtant aurais-je pu accepter la couronne d’Ambre ? Mais en fin de compte il avait raison. As-tu pu penser comme lui ? Ni toi ni moi pourtant n’avons jamais ressemblé à Caine et tu dois savoir au moins cela.
Tu m’as maudit, salaud. Je descends dans les couloirs, hanter la Grande Galerie. Je ris doucement. Si un serviteur me voit il me croira fou et l’idée me fait rire encore plus fort. Tu saurais pourquoi. Ou Bleys. Mais Bleys est maintenant de l’autre côté, et peut-être a-t-il renié aussi cette vieille allégeance.
J’aurais pu abdiquer. Peut-être alors la malédiction m’aurait-elle suivi et se serait détournée d’Ambre. Mon abnégation ne va pas jusque là et de toute façon il est trop tard. Et puis je n’avais personne à qui laisser le trône. Je n’allais pas faire couronner Gérard, et je ne veux même pas penser aux autres. Qu’ils me rejoignent tous en Enfer. Je ne peux pas me permettre de te désigner maintenant comme héritier. J’espère que tu arriveras à temps.
La bataille commencera demain, je suppose. Ou devrais-je dire aujourd’hui ? Je n’ai plus la moindre idée de l’heure. Si tu arrivais dans cette fichue Galerie et me défiais encore une fois, je me demande bien ce que je pourrais faire. Mais tu ne viendras pas. Plus maintenant. Voilà le portrait de Père. Tu as toujours été son favori, tu sais. Non, tu ne sais pas, tu as préféré ignorer ça aussi. En te faisant crever les yeux j’espérais peut-être te guérir de ton aveuglement. Non, c’est une mauvaise excuse, j’avais d’autres raisons. Nous avions. Pour une fois je m’étais rendu à leurs vues. J’avais taquiné l’idée de te rendre tes privilèges et de t’asseoir à ma droite à table mais je suppose que cela n’aurait pas marché. Julian et Caine avaient au moins raison sur ce point. En fait, Caine aurait préféré ton exécution. T’es-tu au moins demandé pourquoi je ne t’avais pas fait exécuter ? C’était pourtant le choix le plus logique. Mais je suppose que tu n’étais pas en état de te poser des questions logiques. Te voilà peint sur ce mur, mon frère, avec ta pose romantique et ton manteau noir qui flotte au vent du Kolvir. Tu as l’air malin… Et ne t’imagine pas que je vais te demander pardon. Même si je suis ivre.
Je vais me coucher. Dépêche toi quand même d’arriver, imbécile.



Note de l’éditeur :
Ce sont là peut-être les dernières phrases tracées par Eric d’Ambre, ce qui pourrait conduire le lecteur à surestimer leur importance. Il convient donc de rappeler qu’il ne s’agit que d’un moment, même si ce moment est ultime, de son évolution psychologique et de ses relations avec Corwin.
Ces pages, comme justement Eric l’écrit, sont toutes de litote, orchestrées autour de l’aveu que même à ce moment il se refuse à faire, et qu’il aurait pu formuler ainsi : je t’aime, idiot. Car il est certain qu’il aurait ajouté une épithète injurieuse au verbe périlleux.
J’aime à croire aussi que Corwin a trouvé et lu ces pages, entre le troisième et le cinquième tome de son récit, ce qui expliquerait son revirement entre la mort d’Eric (“Mes sentiments étaient très mitigés (…) J’essayai d’oublier ma haine pendant un moment (…) Je cherchai désespérément ne fût-ce qu’une raison pour l’admirer…(1)”) et son bilan final ( “ Si tu avais vécu jusqu’à ce jour, tout aurait été arrangé entre nous. Nous aurions même pu devenir des amis (…) Entre tous, toi et moi nous ressemblions davantage que n’importe quelle autre paire au sein de la famille. Sauf, sous certains aspects, Deirdre et moi.(2)”) Il est amusant d’ailleurs de constater comment Corwin associe ou assimile la ressemblance à l’amour… incroyable narcissisme des Ambriens.



(1) Les Fusils d’Avalon, p 239 (2) Les Cours du Chaos, pp 185-6

samedi 22 juillet 2006

ARCHIVES AMOUREUSES : L'ŒUVRE AU ROUGE

Puisque l'été est la saison des amours. Puisque l'été dernier j'ai écrit celles de mes personnages fictifs favoris.
( Voir : Aimer des personnages fictifs - août 2005)
Puisque celui que j'aime (le plus) en ce moment ne doit pas être nommé.

Je retrouve d'anciennes archives, d'anciennes amours.
Dans un château du XVIIIe siècle, portant le nom de Morphise, j'ai aimé trois hommes. Un surtout, qui fut mon oeuvre au rouge, et qui mourut trop tôt.

Traduction d’une lettre cryptée de Morphise au comte de Saint Alban

Versailles, le 2 février 1746,

Mon ami,

Voici que cette nuit, ma première nuit de vrai sommeil depuis que j’ai quitté Valclérieux, j’ai rêvé.
Et tel fut mon rêve : je me tenais sur un immense échiquier et portais les atours d’une blanche reine guerrière. J’affrontais, armée d’une étrange épée, la reine adverse, mais celle-ci était rouge, non pas noire. Et quelque chose dans sa parure m’évoquait celle de notre redoutable hôtesse la marquise de Thianges. Cependant je remportais ce combat, et toutes les autres pièces se volatilisaient. Alors deux laquais se présentaient devant moi, portant des coussins précieux. Sur l’un de ces coussins reposait une couronne. Mais sur l’autre, qu’on me présentait en premier, je voyais trois roses. Une blanche, une rouge, une noire. Et une voix résonnait, prononçant ces mots : La passion — la loyauté — l’amour. Dans un instant vertigineux, je distinguais autour de moi une foule de gens masqués, en habits de bal. Et je comprenais qu’il me fallait prendre deux décisions. J’hésitai. Je choisis. Et ce choix devait être le bon, puisque le second laquais déposa sur ma tête la couronne.
Je m’éveillai avec aux lèvres un goût très reconnaissable : du sel.

J’ai songé et médité, depuis. J’ai hésité à prendre le risque de cette lettre.

Mais voici : dans mon rêve j’ai eu à comprendre d’abord quelle rose correspondait à chaque sentiment ; j’ai eu ensuite à décider de la personne à qui je remettrais chacune de ces roses.
La première révélation fut rapide : la passion n’était pas, comme on aurait pu le croire, représentée par la rose écarlate. La passion, la perte de contrôle, le surgissement de nos instincts, ne pouvait être que la rose noire. De là se faisait aisément la suite de la répartition : l’amour était donc rouge, et blanche la loyauté. Alors je pris sur le coussin la fleur ténébreuse et me dirigeai sans hésiter vers celui à qui elle revenait de droit. Je n’eus pas à le chercher : aucun masque ne saurait voiler sa vénéneuse clarté, aucun habit dissimuler la grâce de sa haute silhouette. Je remis la rose noire aux mains de Giacomo, qui s’inclina et se fondit aussitôt dans la foule. Et je ressentis un grand soulagement, comme si un lourd fardeau était retiré de mes épaules. Toute rancœur m’avait quittée, et en même temps tout désir pour lui. Je revins vers le coussin et contemplai les deux autres fleurs : je saisis la rose blanche et me retournai vers les invités. Sous un masque je reconnus la vivacité de votre regard, et fis quelques pas vers vous. N’était-ce pas là un choix évident ? Ma loyauté ne vous revenait-elle pas ? Ne l’avais-je pas confirmé, en décidant de vous être fidèle plutôt qu’à Grantham ? Et votre nom lui-même, Saint Alban, ne portait-il pas en lui ce blason immaculé ? Cependant je déviai mes pas et dans une profonde révérence c’est à un autre que vous que je tendis la fleur : le Roi, auprès de qui se tenait la marquise de Pompadour. Et d’un geste gracieux, ils l’acceptèrent. Et à nouveau je me sentis légère et emplie d’une grande sérénité.
Restait la rose rouge.

Sans doute pourrais-je terminer là cette lettre. Nos esprits et nos savoirs sont assez proches pour que vous y déchiffriez les mêmes signes que moi. Bien sûr l’ordre des trois couleurs n’avait rien d’anodin, reflétant notre parcours à tous, et ma place sur ce chemin. L’œuvre au noir s’estompe dans mon passé comme les souvenirs des mois fiévreux aux bras de Casanova. Ce furent les ténèbres balbutiantes de mes premiers pas dans le monde et dans l’Ordre, ce fut le noir de mes vêtements de trop jeune veuve, ce furent les abîmes obscurs du plaisir. Ce furent encore, jusqu’aux dernières nuits, les doutes et l’amertume qui me tiraient en arrière.
L’œuvre au blanc m’est plus proche, de bien des façons. Ce sont mes dernières années : le blanc de l’hermine royale, le blanc des langes de mon enfant, la radieuse lumière de la couronne de France et des arts chers à mon cœur comme à celui de mon amie de Pompadour. C’est la naissance et la renaissance, l’apprentissage de la paix.
Mais à présent j’entre dans une troisième couleur et dans une troisième ère. Tout dans les heures de Valclérieux l’attestait : l’offre de participer au rituel de Némès, le rôle qui m’était dévolu, malgré ma méfiance, malgré notre trahison — les minutes de méditation dans la chapelle amenant à ma décision — Grantham me demandant de prendre sa succession à la tête de la L:.A:., me déclarant digne de ce grade, ce que je ne saurais être déjà.
Tout dans mon rêve de cette nuit en témoigne : l’affrontement contre la Reine Rouge, la victoire, la couronne, la troisième rose.
Et telle est bien la première et la plus surprenante des révélations que m’offre l’œuvre au rouge : ce mot d’amour, que je croyais une illusion des premiers pas. A présent je vois bien mon erreur : car l’amour en effet ne saurait exister dans l’œuvre au noir, qui ne connaît que la passion ; l’amour ne saurait exister dans l’œuvre au blanc, qui ne permet que l’affection ; l’Amour, qui est accomplissement, qui est union, ne peut être que l’une des clefs de l’œuvre au rouge.

Reste, donc, la troisième rose, dont le don ne peut être imposé, ni être public ; la rose rouge qui ne peut être offerte si elle n’est acceptée.
Et le goût du sel, qui n’est plus celui des larmes.

Reste la rose rouge. Et je ne puis, vraiment, en dire plus.

Morphise

jeudi 20 juillet 2006

ÉTAT OPTIMISTE DES LIEUX

Pour faire reculer la rage.
Pour me souvenir des belles choses.
Pour ne pas la laisser me gâcher complètement mes vacances.
Et aussi parce qu'on me l'a demandé.

J'ai donc, malgré la chaleur, porté le deuil d'un super-héros (jeune, brillant, aimé) et à grand peine organisé ses funérailles, du mieux que j'ai pu. Il me reste à espérer son retour.
J'ai aussi acheté trois corsets (un en velours bleu roi, un violet orné de dentelles noires, un de soie rouge brodée d'or) et en ai porté un. Occasions à suivre et à provoquer.
J'ai pris un bain à minuit, sinon un bain de minuit, dans une piscine illuminée de l'intérieur, dans la pinède.
J'ai passé une nuit presque blanche à discuter comme une adolescente avec une très vieille amie.
J'ai pris le temps de rêver.
J'ai reçu d'adorables nouvelles de certains qui me manquaient (surtout, continuez !)
J'ai aussi fait des choses qui n'étaient pas prévues à la liste, mais furent douces, belles et bonnes, néanmoins.
Je suis devenue maître du monde, le temps d'un week-end, et j'ai dansé sur les chemins de Féérie.
Je suis morte et re-née et devenue immortelle.
J'ai revu de vieux amis, j'en ai accueilli certains à la maison.
J'ai reçu une musique merveilleuse et longtemps attendue, avec un mot qui parlait aussi d'alchimie et d'immortalité.
Je me suis souvenue que j'avais un faible pour...
J'ai admis que j'étais amoureuse de...

Ce sont, aussi, les miracles de l'été.

mardi 18 juillet 2006

HURLER

Parce que, parfois, c'est la seule chose à faire.
Hurler d'incompréhension, hurler d'amertume, hurler d'injustice aussi, de souffrance anticipée. Hurler de colère.
La colère est mon second péché capital. La rage en moi est une bête dangereuse, un fleuve aux digues fragiles, qu'il convient parfois de laisser déborder.
Hurlement de survie.

Il n'y a pas de façon littéraire, symbolique, romanesque, de le dire. Ou s'il y en a une, je ne la découvrirai que plus tard, quand la colère aura reflué, quand je ne hurlerai plus, quand ce sera une histoire à raconter.
Mais je ne veux pas qu'il en soit ainsi.
Je veux hurler, je veux rester en colère, garder cette force, ne pas me résigner. Je veux me battre.

Même si c'est à la Don Quichotte, contre des moulins de lâcheté et de mesquinerie, contre lesquels je ne peux rien.

Dire seulement que l'amertume durera plus longtemps que la colère.
Dire que l'année à venir sera un calvaire.
Dire que s'il y avait un moyen, un seul moyen, de me mettre en disponibilité l'an prochain, je le ferais. Pour marquer mon refus. On m'a engagée comme un être pensant, agissant, construisant, réfléchissant, créant. Si on m'arrache tout cela, je devrais m'arracher à ce poste.
Je le devrais. Je ne peux pas.
Hurler.

Et dire merci à tous ceux qui ont patiemment supporté mes hurlements, ces derniers jours, merci mon ange, merci maman, merci mes vieux amis de RAJR, merci Shaya, merci Julien, merci encore à Stef et au joli présent arrivé hier.
Ce n'est pas littéraire. Mais nécessaire.
Merci à mes collègues. Au rêve volatil de solidarité.

Et à vous, mes très chers, cette triste certitude: vous me manquerez plus encore que ce que j'avais annoncé.
Comme une (in)justice poétique: je paye cher le bonheur que vous m'avez donné. J'en sentirai, l'an prochain, toute la cuisante douleur.
Mais je ne regrette pas. Soyez... grands.

dimanche 9 juillet 2006

SAISON DES AMOURS

'ai toujours peu de goût pour l'été. Cependant je redécouvre à quel point l'été a le goût des amours.
Et ce n'est pas, je crois, à cause du soleil aphrodisiaque, des corps découverts, des peaux moites de chaleur.
Bien sûr il y a la clarté troublante de l'eau des piscines à minuit, l'envol des jupes sur les jambes nues, le miel des peaux, le poids des cheveux trempés.
Mais c'est surtout à cause du loisir, du temps libre.
Le temps libre est l'espace dont l'amour a besoin pour s'épanouir, pour défroisser ses corolles usées par le costume de travail, pour étirer ses membres engourdis et déployer son imaginaire.
L'amour est à son aise en vacances.
Les longues journées d'été l'ensemencent, le bercent, le cajolent. Les douces nuits d'été irriguent ses rêveries, font éclore ses fleurs surprenantes. Les songes de mi-été sont toujours des songes amoureux.

L'été dernier je déclinais les étreintes de mes amours littéraires. Cet été mes nuits s'imprègnent de visages réels, d'amours de ce monde-ci. Il n'y a pas si grande différence entre les deux. La saveur est la même, le sucre interdit qui emplit le palais, les guirlandes enlacées des bras, les mots épars dans les jardins du Midi, quand la chaleur se fait moins lourde.
Les mêmes jeux.
L'amour est un jeu, délicieux, immoral, mortel, excitant, mais un jeu, où l'on triche, ment, prend et donne, où l'on risque, se jette, se drogue, s'oublie et retrouve des vérités perdues. Où les mots se frottent, les langues s'inventent, les phrases se frôlent à la peau nue, les trahisons s'étreignent.
Ou du moins les amours d'été.
Ne sous-estimez pas leur empreinte, ni leur durée, ni leur force. La mer lave les convenances, emporte les carcans. Les amours d'été n'ont pas de limite.
L'été est la saison des jeux.

mardi 4 juillet 2006

ET AUJOURD'HUI...

J'ai pleuré.
Il faut croire que finalement je ne suis pas un bon petit soldat.