« La réalité de notre amour échappe à ce texte qui n’a plus de raison d’être, même si parfois l’évidence d’une merveille a frôlé ces lignes ; perdure ce qui ne transige pas.»
« Maudits soient celles et ceux qui rendent le malheur malheureux. Le malheur est vigueur, capacité, appel, il ne faut pas attendre de réponse. »
Yves Navarre, Ce sont amis que vent emporte
En même temps que Yourcenar, et que Gide, je lisais donc Yves Navarre.
J'y puisais les mêmes folies, j'y cherchais les mêmes élans, j'y retrouvais les mêmes exigences d'intensité, à vif.
Entre dix-huit et vingt ans, j'ai lu toute son oeuvre, copié des dizaines de citations.
Je suis allée dénicher quelques-uns de ses livres jusque dans les bouquineries parisiennes.
(c'était avant Amazon, c'était l'âge où l'on faisait cela)
Mais j'ai une dette envers Navarre, qui va bien au-delà d'un élan adolescent ou de ma période gay friendly.
Une dette immense et que je n'ai jamais payée.
Je sortais de khâgne avec en moi l'inquiétude confuse de nous tous qui venons trop tard: y avait-il vraiment encore de quoi dire, de quoi écrire? Y avait-il encore une voix possible, qui soit davantage que l'écho dérisoire des voix du passé?
Mais voilà que Navarre aussi venait tard, et que sa voix ne ressemblait à aucune autre.
Son écriture ne ressemblait à aucune autre.
On la reconnaissait sans hésiter.
C'était donc possible.
Pendant des années j'ai écrit comme Navarre. Sans doute mon écriture conserve-t-elle encore quelque chose de la sienne, dans le rythme des phrases.
Je n'ai jamais payé cette dette.
Pour l'anniversaire de sa mort (le premier ? le deuxième ? je ne me souviens pas), j'ai écrit un article d'hommage pour le journal de l'IEP.
Je crains d'avoir perdu ce texte.
Mais il ne suffit pas de toute façon, ni cette note.
Yves Navarre, entre autre choses, et autres êtres, aimait les chats.
L'un de ses chats a créé un site Internet pour lui rendre hommage — hébergé en Suisse, qui plus est. Je vous assure que je ne l'ai pas aidé.
Je le regrette.
Le site d'Yves Navarre - administré par son chat
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire