J'ai participé à un MOOC (Massive Open Online Course).
Pour toutes sortes de raisons, qu'il convient d'énumérer,
histoire de préciser d'où je parle.
- Parce que j'étais curieuse du principe même des MOOC. Je suis enseignante, voyez-vous, et toute forme nouvelle d'enseignement m'intéresse.
- Parce que j'étais (savais que je serais, au moment de l'inscription) en congé maternité. Comme c'est mon deuxième enfant, je savais combien ces premiers mois sont usants à tous niveaux, combien une fenêtre vers l'extérieur y est bienvenue, nécessaire. Et pour mois cette respiration est un appel vers une activité intellectuelle et/ou créative sans lien avec les enfants.
- Parce que le sujet de ce MOOC en particulier (« Comprendre le transmedia storytelling », université Bordeaux 3,Mélanie Bourdaa) m'intéressait, je ne l'ai pas choisi au hasard. A vrai dire, en bon M. Jourdain, je me suis depuis longtemps intéressée au transmedia sans le savoir, sans connaître le mot et le concept.
D'où je parle, encore :
De la posture de quelqu'un qui a l'habitude de
l'enseignement, qui n'est pas sorti du système éducatif, jamais même, puisque
je suis prof.
Quid, alors, du bilan de mon expérience ?
Il est globalement très positif.
Le principe du MOOC en général me séduit, à quelques détails
techniques près dont je reparlerai.
J'ai été assez scolaire, ce qui n'est pas surprenant. Les
cours et QCM de la semaine étaient mis en ligne chaque lundi matin. En général,
j'avais le temps de les écouter en entier et de répondre aux QCM le jour-même,
pendant les tétées du bébé.
J'ai rendu 3 des devoirs à faire, ce qui était le minimum
exigé pour obtenir la certification. J'en aurais bien rendu davantage, mais les
deux devoirs proposés pour la dernière semaine ne m'inspiraient guère, pour des
raisons très différentes l'un de l'autre, d'ailleurs.
J'ai aimé la variété des cours et des intervenants, la
qualité des vidéos, la plupart des sujets de devoirs.
J'ai aimé aussi, compte tenu du sujet du cours, qu'il soit
précédé par un petit ARG (retrouver l'intervenante enlevée par MAD).
J'ai apprécié et admiré la grande réactivité de l'équipe du
MOOC, tant sur Twitter que sur le forum.
J'avais même la chance d'avoir des camarades d'amphi pas
seulement virtuels, en la personne de Dante et de
MetalMidinette. Comme je n'avais pas le temps de passer du
temps sur le forum (et encore moins sur Skype, avec mes horaires à la noix de
jeune maman), c'était appréciable.
La création d'une communauté d'apprenants est un des points
positifs des MOOCs, même si je n'ai guère pu en profiter.
Petits bémols
Ils sont essentiellement techniques, et donc dus à la
plateforme FUN, non à l'organisation de ce MOOC particulier.
- Aucun système de remise de devoirs n'étant prévu, il a fallu passer par un forum, des formulaires Google et autres, ce qui a généré une multitude de problèmes (notamment le fait qu'un forum ne permet aucune mise en page).
- J'aurais apprécié que les cours vidéos soient redoublés d'une version texte. Plus pratique pour les gens à mémoire visuelle, mais également plus pratiques quand on est forcé d'interrompre sa lecture ou de revenir au cours pour y chercher une information précise. Dans une vidéo non chapitrée, la seule solution est de la réécouter en entier. Ces textes ont été réalisés et partagés par des étudiants, ce qui est louable (partage des ressources, tout ça), mais ce n'est pas la même chose.
- J'aurais aimé qu'existe une possibilité d'aspirer l'ensemble des ressources sur notre disque dur, à la fois pour pouvoir les consulter hors ligne et pour pouvoir les conserver et y revenir après la fin du cours.
Sur le contenu... J'ai sans doute moins appris que d'autres
: la culture geek m'est familière, ainsi que les bases de narration - mais les
cours restaient clairs et intéressants, et m'ont appris des choses, par exemple
sur l'analyse de bande dessinée ou sur la conception d'ARG.
Le principe même du MOOC rend de toute façon impossible l'homogénéité
du public. Le cours sera forcément "trop facile" pour certains et
"trop difficile" pour d'autres. Celui-ci se tirait plutôt bien de cet
écueil.
Les documents complémentaires proposés pour aller plus loin
auraient pu être plus fouillés, par exemple plus de vrais articles
universitaires.
La question de l'évaluation
Attention, ce n'est pas un bémol, mais une réflexion ! La
question de l'évaluation des MOOCs est passionnante et mérite à mon avis que
des universitaires s'y intéressent (j'en ai d'ailleurs parlé à un ami maître de
conf. en Sciences de l'Education :))
Il est évidemment impossible de demander à un enseignant
d'évaluer des milliers de copies chaque semaine. (Qu'on ait demandé à Mélanie
Bourdaa d'évaluer 700 copies me laisse sans voix, d'ailleurs, mais passons).
Il n'y a que deux alternatives :
Se limiter à des QCM, ce qui est très réducteur. Je suis
partiale, je n'aime pas les QCM. Je trouve qu'ils favorisent l'absence de
nuance, voire l'absence de réflexion. Les problèmes rencontrés par les
étudiants avec les QCM de la semaine 2 allaient dans ce sens. Les autres
étaient très bien conçus, mais voilà, ce n'est ni très intéressant ni très
formateur.
Proposer une évaluation par les pairs pour les activités
d'analyse et de création. Et là, on entre dans quelque chose de très
intéressant à étudier, comme l'ont montré les diverses réactions sur le forum,
en particulier au début du MOOC. Mise en question de la légitimité des
évaluateurs (tant de la part des évaluateurs que des évalués), mise en question
du barème (et en particulier de la présence de l'orthographe dans ce barème :
ont resurgi des plaintes, fréquentes sur Internet, contre les grammar nazis),
sont quelques-uns des problèmes qui ont été soulevés. La visibilité par tous
des notes et commentaires sur le forum à sans doute aggravé la situation.
Moi-même ne me sentais pas pleinement légitime pour évaluer
(alors que j'ai l'habitude de cet exercice) : ambiguïté de la posture
d'evalué/évaluateur, échantillon trop restreint pour permettre une vraie
justesse (3 copies), connaissance inégale des objets à évaluer (par exemple une
série télé inconnue)...
Les réactions de l'équipe du MOOC ont été diverses : demande
d'une deuxième évaluation par l'enseignante (no comment, cf. Plus haut), appels
répétés à une évaluation généreuse et formative (mais une note était tout de
même demandée), disparition de l'orthographe dans les barèmes des derniers
devoirs...
Pas de solution évidente à ces questions, mais c'est à mon
sens un sujet d'étude intéressant et nécessaire à mener.
Et maintenant ? Que du positif !
- J'ai envie de suivre d'autres MOOCs
- Ou même de participer à un tel enseignement
- J'ai envie de faire du transmedia
- A la fois comme créatrice (je pensais, et continue de penser, que c'est une piste passionnante pour l'évolution de la littérature) (voir aussi Transmedia, de la rébellion à la récupération
- Et comme enseignante : je proposerai sûrement des extensions transmedia à réaliser comme compte-rendus de lecture cursive à mes lycéens, et à plus long terme je rêve de concevoir des serious games (ARG ou autres) pour accompagner l'enseignement des lettres au lycée.
Oh, et est-ce que je crois à l'avenir des MOOCs ?
Oui.
Pas comme formation initiale, mais comme formation continue,
vraiment. A condition que soient réfléchies les questions soulevées plus hauts,
certes, mais c'est un outil superbe pour la diffusion des savoirs à des publics
qui en dont socialement ou géographiquement exclus.
Et à une plus petite échelle, je pense que c'est une
solution idéale pour la formation continue des enseignants. Cela permettrait une
offre nationale donc large, cela économiserait les frais de déplacement et de
remplacement des enseignants, et le public relativement homogène simplifierait
les choses. C'est ce qu'il faut faire. Sérieusement. Absolument.
1 commentaire:
Merci pour ce retour d'expérience, comme toujours nuancé et précis. Totalement d'accord sur l'avenir des MOOC en formation continue pour des professionnels éloignés ou peu disponibles, je commence à plancher sur un petit module en ce sens (très modeste, afin que son efficacité puisse être analysée finement). Concernant l'évaluation, c'est un problème complexe, pour lequel tu indiques des pistes : préférer évaluer 8 parties de devoirs que 3 devoirs en entier, harmoniser les notes de chaque correcteur en fonction d'une moyenne générale mensuelle par exemple (avec un principe de variable centrée réduite), fournir des critères et en indiquer le sens pour les réponses difficiles à évaluer rapidement, favoriser l'anonymat des évaluateurs sont des points à creuser. La recherche devrait s'en emparer, mais quand ?
En tout cas, merci à toi d'avoir lancer le débat.
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