J’essuie la bave au coin de son bec. Ça ne sert pas à grand chose, je le sais bien. Ses plumes sont en si mauvais état de toute façon qu’un peu de salive ne change pas grand chose.
Si elles étaient sèches, peut-être qu’il pourrait voler. Non. Si elles étaient sèches, et entières, et s’il n’en avait pas perdu des dizaines cette année… Il ne volera plus jamais, je le sais bien.
« Tu devrais engager quelqu’un pour s’occuper de lui. Ou le confier à un asile. »
Ils savent bien que ce n’est pas possible. Depuis qu’il a perdu la vue, il ne laisse plus personne l’approcher. Personne d’autre que moi. Il connaît si bien mon odeur qu’il arrive encore à l’identifier, après tout ce temps. Et il est encore dangereux : son bec peut toujours percer un oeil, ses sabots fracasser un crâne.
« Alors tu devrais le faire piquer. Dans son propre intérêt. Il est aveugle, cloué au sol, pourquoi s’acharner ? »
S’acharner. Ils ont peut-être raison. Peut-être que ce n’est pas dans son propre intérêt, mais dans le mien.
J’entoure son cou de mes bras, je plonge mon nez dans ses plumes, et il se laisse faire, avec un petit cri rauque. Ce n’est pas son odeur de bête malade que je sens, ce n’est sans doute pas la mienne qu’il perçoit non plus.
Mais celle de l’homme que nous avons perdu tous les deux.
Alors j’essuie la bac au coin de son bec, et je ne le tue pas.
Ce serait perdre Sirius une nouvelle fois.
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