Comme pour toute légende, il est impossible de mettre le doigt sur son commencement.
J’aime imaginer un obscur archiviste penché sur quelque cadastre et pointant la forme étonnante des remparts : celle d’une étoile. De haut la ville ressemblerait à une ville-étoile.
Et tout partirait de là. Je ne sais pas trop, tout de même, comment la phrase sortirait des archives, acquerrait la forme vivante et sifflante des rumeurs. Un jour on l’entendrait à la table du prince : « Un cartographe — il dirait cartographe, archiviste sonne décidément trop poussiéreux — m’a fait remarque l’autre jour que notre ville, vue du ciel, ressemblerait tout à fait à une étoile. »
Et le prince sourirait. Quelle image flatteuse. Toute une culture naîtrait de cette flatterie. Les lumières sur les bastions, les lanternes célestes de l’équinoxe, la tour d’astronomie.
Et puis une princesse aurait l’idée poétique de baptiser son premier-né Arcturus. Nous savons bien comment cela fonctionne : la noblesse s’emparerait de cette mode, puis le peuple, et quelques siècles plus tard seuls des traditionalistes dépassés choisiraient de tels noms pour leurs enfants.
A quel moment aurait-on changé les toponymes ? A quelle date le fleuve traversant la Ville serait-il devenu la Via Lacta ?
Cela n’a pas vraiment d’importance. Les poètes écriraient d’innombrables textes, on oublierait de quoi il s’agissait au départ, d’une bête question de forme. On écrirait que la Ville-Etoile éclaire le monde. On écrirait que le civilisé (comprenez : le citoyen de cette Ville) est avant tout celui qui regarde les étoiles. Et il en aurait toujours été ainsi.
Je suis un érudit, voyez-vous. Je ne suis pas dupe. Et pourtant.
La Ville brille en moi comme une étoile.
(Ce texte-là est écrit dans le même univers que celui de ma nouvelle "Ave Ignis" et d'un roman que, qui sait, j'écrirai peut-être un jour.)
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