C’était un dimanche midi, à table. Elle avait trois ans. Ses parents ont exhibé un os du poulet, un os bien nettoyé, tout petit, un peu étrange — comme une fourchette, comme une aile vestigiale, un os qui aurait dû appartenir à un ptérodactyle plutôt qu’au poulet bien gras qu’ils avaient mangé.
« C’est l’os des souhaits, lui ont-ils expliqué. Chacun tire d’un côté, et celui qui a le morceau le plus gros voit son vœu réalisé. »
Elle a posé l’os à plat dans sa menotte. Il dépassait de partout. Elle l’a bien regardé, en fronçant les sourcils, comme elle faisait déjà. Puis elle a choisi un côté. Son père a pris l’autre. Ils ont tiré. C’est elle bien sûr qui avait le plus gros morceau.
Cette fois, et la fois suivante, et toutes les autres. Avec ses parents, ses frères, ses amis, ses collègues. Avec moi.
« Encore ! » m’exclamai-je, dépité.
Elle m’a regardé avec perplexité : « Tu sais, si tu veux gagner, il faut que tu choisisses le premier.
— Pourquoi ?
— Parce que l’os se casse toujours de la même façon. Tu ne vois pas ? »
Elle a essayé de me montrer les signes : l’angle, la courbure, l’amincissement de l’os, la plus grande fragilité — mais je ne vois pas ce qu’elle voit. Je préfère croire que c’est un de ces petits pouvoirs magiques du quotidien, comme nous avons tous.
Alors que je sais bien : she’s my Sherlock.
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