lundi 29 août 2005

S’aimer dans le noir. Me faufiler dans les ténèbres de son cachot, le réchauffer à ma folie, mon corps en rempart contre le froid suintant du désespoir. Ou nous apprivoiser doucement dans la nuit à ses couleurs, au plus profond de la Forêt Interdite. Ou nous enlacer dans l’urgence à l’angle d’un couloir, dans la maison de sa mère, et profaner chaque pièce de nos étreintes. S’aimer sans savoir si l’aube se lèvera, si les prisons s’ouvriront, si nous serons vivants demain.
Décliner nos premiers baisers. Le sentir dans un rêve effleurer d’audace mes lèvres d’enfant, me battre pour qu’il saute le pas dans le dédale de ses craintes, voir tomber nos barrières et sa bouche écraser enfin nos différences, caresser son corps amaigri, aimer sa beauté enfuie, et lui jurer que c’est mieux ainsi, que je n’aurais pas aimé le bel adolescent arrogant d’autrefois.
Et mentir, car je sais trop que je l’aurais désiré aussi, aimé aussi. Revenir en arrière, élargir le temps et goûter ces plaisirs-là, rivaliser, se refuser jusqu’à n’en plus pouvoir, s’abandonner à cette fausse nonchalance, à cette ombre sauvage rôdant derrière son sourire, regarder la nuit ensemble et savoir qu’il sera toujours ma plus brillante étoile.
Etreindre son fantôme. Danser dans mes larmes, chanter sa perte non moins déchirante d’être prévue, fermer mes bras sur son absence, attendant l’heure où je pourrai entreprendre le long voyage dans les brumes pour le rejoindre, de l’autre côté des voiles du monde. Lui demander pardon.


Sirius Black
(J.K. Rowling, Harry Potter)

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