samedi 24 novembre 2007

LES PORTES (13) : LA BONNE PORTE


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Il en reste une dernière et l’on n’est pas sûr que ce soit pour autant la bonne.
La bonne porte est verte, toujours. C’est le vert qui l’ouvre. La bonne porte est de terre et de lait, de feuilles et de ciel.
La bonne porte a beaucoup vécu. On y a épinglé en désordre des années, des listes de courses et des énigmes. La bonne porte est usée : on voit sa trame sous les écailles.
Mais elle est verte. Ouverte sans avoir besoin d’être poussée.

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vendredi 23 novembre 2007

LES PORTES (12) : PORTE DES PARQUES


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Pourquoi trois morceaux de bois? demande la fillette. Pourquoi un rouet? Pourquoi une aiguille et un fil? Pourquoi faut-il que les aiguilles piquent, pourquoi faut-il que les fils se cassent?
Pourquoi sont-elles trois ?
La fillette sourit à ses murs roses, frotte sa tête au crépi comme un chaton, et pose toujours de nouvelles questions. Pourquoi trois et pourquoi trois âges, pourquoi l’énigme du Sphinx, pourquoi n’ont-elles pas la même taille, laquelle est la dernière, la plus petite, tout au bout? Est-ce la jeune fille à grandir, ou la vieille qui se courbe? Laquelle des trois coupe le fil? Laquelle des trois ouvre la porte?
La quatrième, forcément.
C’est toi qui ouvres la porte.

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jeudi 22 novembre 2007

LES PORTES (11) : PORTE DE LA RÉVÉLATION


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

La vérité se plie et se replie. C’est toute une affaire de déballer son cadeau empoisonné. De déballer le cadeau pour vérifier qu’on peut s’en réjouir.
La vérité a le vert des sapins et le carmin des pommes brillantes.
Et tellement de couches qu’on n’est jamais sûr d’atteindre la dernière, qu’on finit par se demander s’il y en a une dernière. Et si on grattait la peinture, soulevait la toile, ne serait-on pas plus près du secret, au pied du mur ?
Sous le dernier pli brille la lumière. Juste une flèche indiquant la sortie. La révélation est une porte.

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mercredi 21 novembre 2007

LES PORTES (10) : PORTE DU GRAND CHEMIN


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Il y a du sang, tu sais.
Il y a des gouttes de sang qui giclent sur le mur et en plein cœur une pierre aiguë pour percer la peau. Les grands chemins sont pavés de sang et c’est ainsi, il ne faut pas fermer les yeux.
Les plaies sont aussi des portes, les cicatrices sont aussi des chemins traçants, le sang qui coule chaque mois est aussi un recommencement.
Il y a du sang, tu sais, et c’est le secret des plus grands chemins. Nous vivons, encore.

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mardi 20 novembre 2007

LES PORTES (9) : PORTE DU LABYRINTHE


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Car les tons s’adoucissent, les cieux se referment, la porte était un leurre. Tous les taureaux, même solaires, même divins, finissent dans un Labyrinthe à se demander à quoi peut bien servir une porte.
Une porte pour les nourrir, de sang et de beauté, d’air pur, d’extérieur, de danger. Une porte pour la compagnie et pour l’espoir.
Une porte pour le fil du souvenir qui nous rattache au monde. Le même qui se noue au héros et au monstre.
Car c’est un fil qui ouvre toutes les portes, crochète et relie. La porte n’est qu’un jalon du chemin.

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lundi 19 novembre 2007

LES PORTES (8) : PORTE DU SUD


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Le Sud, c’est l’envers de la boussole. Les repères s’y noient de couleurs, les avions s’y perdent dans la mer.
Les étoiles ne savent plus quels signes elles dessinent, ne savent plus si elles sont d’astres ou de mers.
Le Sud est un ciel, un désert, l’aura de la chaleur des corps, une croix rouge sur la carte du trésor.
Le Sud est une borne et un aimant. Le Sud est rouge comme la cape du matador, et nous sommes tous des taureaux, nous nous jetons à sa tête, nous sortons du cadre, nous changeons de gravité. Le Sud nous aveugle et il est trop tard.

dimanche 18 novembre 2007

LES PORTES (7) : PORTE DE LA CHAMBRE DE BELLE


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Qu’attend Belle, dans sa chambre ? Quel secret dissimule sa porte ?
Les lèvres closes, un doigt posé sur la bouche, un sourire.
On pourrait croire que Belle est une oie blanche, un bas-bleu, une enfant sage aux yeux couleur de ciel, couleur de porte, couleur des rideaux, ciel de lit.
Mais non : Belle sait. Son bleu est vérité.
Belle sait. La réalité du monde se reflète dans ses yeux.

samedi 17 novembre 2007

LES PORTES (6) : PORTE DES RÊVES


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Tout le monde passe cette porte-là. Elle a les couleurs drapées de la nuit, bleue et violette comme un baldaquin, nacrée comme la lune. Le sable sombre du marchand bien-aimé en recouvre le seuil.
Elle est froide, bien froide. Elle luit doucement dans nos angoisses.
C’est l’ancre lointaine où s’accrochent nos havres. Nous la passons tous et nous n’en finissons pas de la rêver, de deviner qu’il en existe une plus grande et plus vraie, un grand portail de corne et d’ivoire, gardé par des chimères, et que s’il nous était donné de le passer, alors tout serait possible.

vendredi 16 novembre 2007

LES PORTES (5) : PORTE DES ÉTANGS


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

C’est quand il pleut que la porte apparaît. Pas chaque fois. Elle apparaît seulement quand la pluie est douce et la brume légère, quand il reste assez de lumière pour se refléter dans les eaux, juste assez pour que les troncs s’estompent et les couleurs se mêlent.
C’est alors qu’elle apparaît, la porte d’eau, le rideau de pluie sur l’étang, le chuchotement des clairières.
C’est alors seulement qu’elle s’ouvre et que vous pouvez voir à travers la vérité des arcs-en-ciel, que vous pouvez si vous êtes chanceux marcher sur l’eau, d’un étang à tous les étangs du monde, à toutes les clairières aquarelles et toutes les eaux qui dorment en ce monde — et peut-être vous éveiller au fond du Lac de la Fée, en Brocéliande — et peut-être, plus loin encore, au fond d’une estampe, au Japon.

jeudi 15 novembre 2007

LES PORTES (4) : PORTE DE LA FORÊT PROFONDE


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Sait-on ce qui se passe dans les forêts ? Ce qui s’y passe vraiment, quand il n’y a plus personne pour entendre ses cris.
Sait-on ce qui se passe dans les forêts quand elles chassent les hommes ? Ont-elles encore des cabanes bâties entre leurs branches quand les enfants se sont tus ? Abritent-elles de grands monstres maladroits aux grosses têtes, aux pattes frêles ?
Est-ce qu’elles existent, ces forêts ? Est-ce qu’il n’y a pas toujours un train qui les traverse, une locomotive rouge qui pose ses propres rails sur les feuilles mortes ? N’y a-t-il pas, pour chaque forêt profonde, un incendie et un dragon ?

mercredi 14 novembre 2007

LES PORTES (3) : PORTE DE L'INITIATION


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Il y a les portes qu’on pousse et il y a celles qu’on déchiffre. Il y a des portes qui ne s’ouvrent que dans un sens et il y a celles qui ont tellement de sens qu’on ne sait pas lequel ouvrir.
Il suffit pour cela que la porte soit en bois et qu’on en distingue les nœuds et l’écorce. Tout de suite on ne sait plus ce qui est planche ou tronc, ou si le bois est forêt.
Il suffit pour cela qu’on ouvre dans la porte le cœur d’une fenêtre. Tout de suite on ne sait plus où il convient de se glisser, ce qu’il faut enjamber, si le regard suffit.
Peut-être suffit-il, le clin d’œil du triangle annonçant la dernière réponse.

mardi 13 novembre 2007

LES PORTES (2) : PORTE DU SORCIER


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

Je connais cet homme-là dont la lumière se glisse entre les mondes.
Je le connais. Nous le portons en nous. Il éclate au cœur de chaque pourpre, il est blanc comme la jeunesse, blanc comme la folie, blanc comme l’oubli.
Je ne l’ai pas oublié. Il est tissé de nos musiques, enveloppé de nos astres, et tramé de magie. Il a surgi d’un incendie. Son feu n’a rien de destructeur.
Il se tient, joueur, au début de tous nos chemins. Le monde s’ouvre pour lui. Il nous précède, tenant haut la lanterne de son œuvre, et s’enfonce dans les profondeurs.

lundi 12 novembre 2007

LES PORTES (1) : PORTE AU LOQUET


Une suite de textes écrits et structurés à partir de la série de tableaux "Les Portes" peints par Chris Bourgue

C’est un cahier d’écolier. Un journal intime auquel une fillette a bricolé un cadenas. Un cartable sanglé à travers lequel on reconnaît la couverture d’un livre et le chocolat du goûter.

Bien rangé, coins carrés, avec juste une tache de peinture, forcément bleue.

Parce que tout commence par une porte d’enfance et quelques planches de bois clouées. Tout commence par une porte fermée et un loquet. Surtout pas de serrure. Pas encore de clef. Juste un loquet, si facile à soulever, si tentant à pousser.

mardi 6 novembre 2007

CANDIDATURE

Professeur de Défense Contre les Forces du Mal cherche poste, de préférence aux environs de Genève.

Le métier dont je rêve : enseigner la Défense Contre les Forces du Mal. Against the Dark Arts est meilleur, le mot dark est important, les ténèbres sont importantes.
J'en rêve depuis quelques années.
Et, enfin, je me demande pourquoi.

Pourquoi ce désir persiste.
Pourquoi je rêve d'enseigner ça, pourquoi j'y repense régulièrement, pourquoi il m'arrive d'imaginer des séances de cours, de prendre quelques notes, de rassembler en esprit du matériel.
Pas seulement écrire un manuel, non, enseigner, à de vrais élèves. C'est un appareil pédagogique qui m'occupe.

Et voilà, je crois, une partie de la réponse : parce que c'est utile. Peut-être l'enseignement le plus utile au monde. Même pour les Moldus.
Car il y a des ténèbres, et nous y sommes tous confrontés un jour ou l'autre. Il y en a dans le monde et il y en a dans nos âmes. Il y a le monstre bouffi de la Haine. Il y a les Monstres sous les Lits. Il y a le Désespoir qui nous tend d'affreux miroirs. Il y a les choses sombres qui se glissent dans les ténèbres et auxquelles nous refusons de croire. Il y a nos instincts les plus noirs. Il y a la souffrance, et la solitude, et la trahison. Il y a la Mort (qui n'est pas une Force du Mal, ni un Dark Art, mais qui en engendre, même si c'est contre son gré.) Il y a des abîmes bien plus profonds et bien plus anciens qu'on ne le prétend. Il y a la peur. Celle de la Nuit, par exemple.
Il y a des ténèbres, nous y sommes confrontés, ou le serons, même les Moldus, et il y a effectivement des Défenses pour s'en protéger.

Parmi lesquelles, bien sûr, la littérature, que j'enseigne "pour de vrai".
Alors voilà : je voudrais enseigner la Défense contre les Forces du Mal parce que de toutes les fonctions de la littérature, c'est celle qui m'est la plus chère.