vendredi 27 janvier 2006

BONHEURS

Parce que les Postes parfois livrent des merveilles.
Parce qu'une couronne de reine, argentée d'étoiles, répondant à un très vieux pari.
Parce qu'un bouquet de fleurs enneigées, répondant à d'anciens symboles.
Parce que des messages inattendus, parce que des amis.
Parce que le vieux miracle qui naît le soir entre les pages d'un livre nouveau.
Parce que la Mentrice.
Parce que Narcisse.
Parce que la salutaire régression des fous rires.
Parce qu'un exemplaire unique enfin achevé, illustré, enlacé de papier de soie.
Parce que les plaisirs (innocents ?) de la séduction.
Parce que la neige.
Parce que le désordre.
Parce que : les sourires.

dimanche 22 janvier 2006

EMPIRE

Et puis, bien sûr, cela retombe.
Et puis la colère se dissout.
Non pas qu'on oublie, mais cela s'éloigne. On y pense moins. Malgré nous, malgré tout, cela retombe.
Je savais qu'il en serait ainsi, je sais que c'est toujours ça, le pire.
La clef des tyrannies, le germe universel de la lâcheté.
Je le savais et cela ne change rien.
Je suis lasse, plus vraiment en colère.
Je reviens aux nuances, au quotidien, aux petites victoires et aux petites défaites.
Je cours le risque de recommencer, de faire comme si rien ne s'était passé.
Et c'est pire. Ça empire.

mercredi 18 janvier 2006

CHASSE AUX SORCIÈRES

Ca y est. Ca a commencé.
C'est affreusement difficile de s'en rendre compte, hors des pages d'un livre d'histoire, sans une voix off pour expliquer.
Mais ça y est. Je crois que ça y est.
La machine est enclanchée.
La France a basculé.
La chasse, et tous ses corollaires. Ceux qui disent Il y a du vrai dans ce qu'ils racontent, ceux qui commentent Ce n'est pas si grave, ne nous trompons pas de cause et même ceux qui, dans notre propre camp, leur donnent raison.
Il doit en être ainsi.
C'est comme ça que ça marche.
Grâce à nous -- à nos nuances -- à nos névroses -- à nos paresses. A nos aveuglements.

Mais regardez. Ca a commencé. Et nous ne le voyons pas. Il faudrait se battre. Et nous haussons les épaules, retournons à nos vies.
C'est maintenant.
Il est encore temps.
En marche.

Article du Figaro

lundi 9 janvier 2006

QUESTIONS DU JOUR (9) : VACANCES, FÊTES & RITUELS

Noël est, de toutes, la plus précieuse. Je l'ai trop écrit ces temps-ci.
Mais Noël ne rythme pas mes années. Comme tout élève et tout enseignant, je compte en années scolaires, et ce sont les vacances d'été qui délimitent la charnière, le passage, le devoir et le risque des bilans.

Noël est magie. Noël, et l'hiver, cristallisent.
Changer d'année est le pénible contraire d'une cristallisation, et ne peut se faire qu'en été, au bout de ces journées trop longues qui ne laissent pas de répit, qui ne s'éteignent pas avant de vous avoir forcé la main, obligé à aller jusqu'au bout.
En été, où la chaleur nous contraint à ôter une à une les couches de vêtements qui nous protégeaient, les couches de mensonges, les voiles faciles sur nos corps et nos yeux.
En des vacances assez longues pour nous ôter à la fois le rythme routinier du travail et l'occupation frénétique des premiers jours de liberté. Assez longues pour que la liberté prenne sa vraie couleur qui est celle du choix.

dimanche 8 janvier 2006

QUESTIONS DU JOUR (8) : OMBRES

Ce n'est pas la nuit
Qui souffle les chandelles
Ce n'est pas la nuit
Qui libère les spectres
Et fait pleurer les hommes
Qui ne savent pas voir
Derrière les étoiles...


Ce n'est pas la nuit. Ces ténèbres-là, je ne les ai jamais craintes. Au contraire, car la nuit donne plus d'éclat à la lumière, lui rend sa magie comme elle me rend la mienne.
La nuit rend au ciel sa splendeur d'écrin, sa profondeur d'univers. La nuit rend aux lueurs des maisons, des voitures et des villes, leur vraie nature de phare et de havre. La nuit rend à la terre son souffle secret, au silence sa voix, à l'esprit la place suffisante pour étendre ses ailes.
Je ne la crains pas, et l'aime, et la reconnais. La nuit est un espace plus vaste que la journée, un domaine plus libre, un langage plus secret.

Les vraies ténèbres sont une tout autre chose. Elles sont bien pires sous le soleil, suintant discrètement, profitant de notre propension à les nier pour avancer et croître et se reproduire. Et nous vaincre.
C'est dans la nuit que brille plus fort la lumière. C'est dans la nuit que nous sommes plus forts face aux ténèbres, parce que nous ne sommes plus distraits par les bruits et les couleurs et les gens qui nous aident à oublier. Dans la nuit ne demeure que ce qui importe vraiment: les étoiles du monde et notre propre coeur. Les seules armes qui vaillent face aux ténèbres.
Les enfants de la nuit et des étoiles savent qu'il ne faut pas nier les ténèbres.
Savent formuler le secret qui ne suffit pas à la victoire mais qui en est la seule clef possible: il faut aimer les ténèbres pour les combattre, il faut trouver des ténèbres à aimer, il faut, pour chaque combattant de la lumière, une ténèbre à aimer -- sans quoi c'est le feu qui se lève à la place des étoiles, dévorant le monde, mettant fin au jour, et à la nuit, et aux ténèbres et à la lumière. Seulement le feu.
Mais cela ne suffit pas.
Rien ne suffit, ni l'amour, ni les étoiles, ni les coeurs, ni les esprits, ni la lutte.
Rien ne suffit, mais dans la nuit se dessine le chemin.

samedi 7 janvier 2006

QUESTIONS DU JOUR (7) : MER

Qu'est pour vous la mer?

Ils se parlent comme ils ne s’étaient pas parlé depuis longtemps. Et parce que le monde autour d’eux est tout de mer d’étoiles et de roc, leurs mots à eux qui ont hérité tous deux le sang des bardes vont plus loin peut-être que jamais.
Setanta qui n’aime guère tourner ses yeux vers l’océan le regarde quand même cette fois, car le danger que portent les vagues est moins incontrôlable que celui du visage d’Aoifa. Et il parle, avec les accents de la tristesse qui pèse sur lui depuis la veille.
« La terre d’Ulster est dans mon cœur et dans mon sang, et cependant mon âme est comme l’eau des rivières, insaisissable et folle. Inutile.
— Ton âme est comme la mer, répond Aoifa, elle nous appelle et nous fascine, et nous porte les songes de l’avenir. »
Setanta sourit, si amèrement : « La mer fascine parce qu’elle est sans contrôle et sans but. Son charme n’est qu’un pis-aller. Au fond de leur cœur les hommes la craignent. »
Aoifa s’est redressée et comme toujours la brise s’est levée avec elle et joue dans ses cheveux. Et Setanta peut la regarder, à présent, presque sans souffrir. « Le vent n’a pas à craindre la mer, petit oiseau. Elle ne peut rien contre lui. »
Aoifa lui fait face, gravement : « Le vent ne craint pas la mer. Il l’aime et la caresse. Je ne crains pas la mer. Elle chante à mon oreille avec la voix même des dieux. Elle me porte, me soulève au-dessus du monde, me redonne force et joie.
— La mer ne peut que rêver du vent, certaines nuits. Pas davantage. »
Pas davantage. Et ils se taisent, parce qu’ils ont dit vraiment tout ce qu’il était possible de dire, pour l’instant. Et bien sûr Setanta ne la prend pas dans ses bras. Personne n’embrasse le vent.

©"Le chemin de pierres", in L'Esprit des Bardes, Nestiveqnen

Ce n'est, bien sûr, qu'une des réponses possibles. J'aurais pu dire aussi :
J’aime le vent. J’ai vingt ans. Oh, comme j’aime le vent ! J’ai vingt ans et je suis Alba, Alba la Rouge. Et le vent tourbillonne sur moi sans me faire de mal. Je suis Alba. Et c’est à ce moment que l’on crie : tu peux descendre, Dieu, tu peux venir tout de suite sur cette plage, je ne jurerais pas que tu puisses faire taire mon rire. Et toi non plus, Orville. Je suis Alba la Rouge, dans la tempête. Même sans toi.
C’est une plaisanterie. Mais vraiment j’aime tant le vent, et je pourrais — avaler le monde, et Dieu, et Orville tout entière, la cerise sur le gâteau. Avec ce vent et cette mer je crois que que je pourrais les vaincre tous. Même toi, Ludwig d’Orville.
Rappelez-moi tout ça, la nuit, au milieu d’eux, sur les quais du Queen’s Bar. Rappelez-moi le vent, la mer et la pluie, et cette grande force qui me donne mieux que des ailes. Je vais rentrer et vous composer une musique qui s’appellera “The Open Sea”, l’anglais dit plus que nous cette fois, le large qui a oublié qu’il pouvait être l’élargissement, libération des forçats. Alors ce sera the open sea, la mer ouverte sous la tempête.

© "The Open Sea (La Mer Ouverte)", in Le Dit d'Orville.

jeudi 5 janvier 2006

UESTIONS DU JOUR (6) : MOTS

Qu'avez-vous écrit dans les marges de vos livres? Que ressentez-vous le besoin de gribouiller pendant la lecture?
Je gribouille tant. J'aime les marges. Celles de mes livres sont comme des marginalia médiévales, envahies de notes, de ponctuation, d'esquisses parfois. Ceux qui vénèrent le livre comme objet (et parmi eux il y a quelques-uns de mes très aimés), ceux-là ont oublié le sens et l'histoire des livres. Un livre est une interface, un passage, un échange, un journal, un lieu de traces. S'il faut vénérer une magie du livre elle est dans les mots, et le miracle de leur effet sur notre coeur et notre esprit.

Les mots devraient être un peu plus sauvages, puisqu'ils sont l'assaut des pensées sur l'impensable. (John Maynard Keynes) Quels sont vos mots sauvages?
Dans la nuit ils marchent. Cinq Seigneurs ténébreux qui arpentent la terre depuis les temps où elle était plate. Le Mal, La Mort, La Folie, Le Destin, L'Amour. Et ils sont mes mots sauvages, à jamais.
Dans la nuit entre les mondes, dans les lieux qui ouvrent sur tous les univers, ils se tiennent. Sept Seigneurs qui n'ont pas de fin, qui changeront peut-être, mourront peut-être, mais existeront jusqu'à ce que la dernière étoile s'éteigne, jusqu'à ce que s'éteigne en nous le dernier écho de leurs noms. Le Destin, La Mort, Le Rêve, La Destruction, Le Désir, Le Désespoir, Le Délire. Et tous les noms sauvages de la nuit.
Car c'est toujours dans la Nuit que marchent nos mots sauvages.
Tant il est vrai (qu'Antigone incarne) "l'amour comme étranger à la condition humaine, ressortissant à la part de la Nuit qui est la part des dieux... Elle représente le rappel d'un espoir infime, rappel que la pensée de Créon a complètement occulté en nous : le fait que l'homme ne s'appartient pas, que son sens n'est pas le Sens, que le sens humain prend fin dès lors qu'on aborde à la rive de la Nuit, et que la Nuit n'est pas un néant, mais appartient à ce qui est au sens propre du terme... La nuit est l'ouverture à ce qui ébranle"
Jan Patocka, Platon et l'Europe

mercredi 4 janvier 2006

QUESTION DU JOUR (5) : AUJOURD'HUI

Ce dont je veux me rappeler à propos d'aujourd'hui...
Que "L'homme de culture doit être un inventeur d'âmes." (Aimé Césaire) et des multiples pistes qu'ouvre cette phrase.
De la sorcière du parking.
De la Loi de Créativité Maximale.
Du Grand Oeuvre entrevu en rêve.
Des souvenirs de l'Hexaconte.
Que la Loi de Murphy a des exceptions.
Qu'il faudrait établir chaque jour cette liste intérieure, je me le suis souvent dit.

mardi 3 janvier 2006

QUESTIONS DU JOUR (4) : ESPACES...

Parce que je refuse de choisir, aimant toutes ces questions...
Que voyez-vous de votre fenêtre?
Oh, j'aime cette vue-là ! Elle apaise le coeur et l'émerveille, grave et belle, souvent automnale, des maisons de pierre et de lierre, des jardins clos, des passages rituels.
Ecrivez quelques mots à propos de votre maison, symbolique ou réelle.
Me citer: A présent, il la reconnaît. A cette sérénité savante, à cette sensibilité maîtrisée, à cet effort insensé vers l’harmonie des contraires. En un tel lieu, cette chambre, ce jardin, on pourrait presque croire qu’elle l’a atteint, l’impossible équilibre qu’il a toujours moqué. En un tel lieu, il réalise soudain à quel point l’architecture est liée à sa nature, la poussant à structurer le monde, pénétrer son sens ou, au besoin, lui en créer un. Et il ne doute pas que le lieu qu’il arpente ne soit son ultime création, la plus parfaite, la transcription même de son âme dans le monde sensible. Un absolu de Havre, songe-t-il, ce jardin clos au cœur de l’édifice, ce jardin ouvert sur la nuit.
Un endroit qui vous rappelle vers le passé.
Quelques rues. Quelques bars. Mais surtout ces lieux qui engendrent des frémissements, qui soulèvent les fibres des âges, les voiles des mondes. Ces lieux qui nous rappellent vers un passé que nous n'avons pas connu.
Où êtes-vous lorsque vous n'êtes pas à la maison?
En voiture, souvent. J'aime ces longs trajets plus que je n'aurais cru, filant sur l'autoroute et sur mes pensées, passant d'un monde à l'autre, esprit en mouvement comme la course du véhicule.
Quelles sont vos cachettes?
Enfant, j'avais cartographié le parc de ma résidence, le changeant en royaume magique, de Brocéliande en Tombeaux de Fée. Et les haies, miracle, en étaient creuses, offrant cachettes et passages secrets, grottes enchevêtrées où se blottir, antres d'où guetter.
Ecriture libre: maison.
Pourquoi penser plutôt à des "Maisons" majuscules, archaïques et obscures familles, réseaux occultes, communautés de pensée, aristocraties.
Là où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté... (Charles Baudelaire) Quel serait cet endroit pour vous?
Rivendell.
De quels endroits ne pouvez-vous pas vous séparer?
Tous ceux que je porte en moi. Et l'énergie des villes.
Quels endroits hanterez-vous?
Les mêmes que ci-dessus.
Quels sont les endroits où vous écrivez?
Tous. Mais j'aime particulièrement me percher sur de grands rochers. J'imagine que cela reflète un certain complexe de supériorité.

lundi 2 janvier 2006

QUESTIONS DU JOUR (3) : LISTE D'ÉTÉ

Nécessaire en cette rentrée, non tant pour l'été que pour les vacances.
Faites une liste de cent choses que vous voudriez faire cet été.
Cent, ça fait beaucoup. Mais j'essaie.
1. Aller en Ecosse.
2. Voir une aurore boréale.
3. Ecrire des nouvelles.
4. Ecrire un roman.
5. Faire l'amour avec...
6. Et/ou avec...
7. Apprendre une langue étrangère.
8. Jouer Héloïse.
9. Prendre un bain de minuit.
10. Passer une nuit blanche à discuter.
11. Passer une nuit blanche à écrire.
12. Passer une nuit blanche à aimer.
13. Prendre des cours d'astronomie.
14. Lire 3 livres par semaine (plus m'empêcherait de vivre).
15. Jeûner 3 jours.
16. Découvrir un aliment inconnu.
17. Naviguer.
18. Mesurer une marée.
19. Prendre l'avion.
20. Prendre le train.
21. Ne pas avoir à conduire.
22. Inventer un alphabet.
23. Déménager.
24. Faire une grande fête pour ma crémaillère.
25. Me préparer à un nouveau poste.
26. Entrouvrir les voiles entre les mondes.
27. Rencontrer un de mes écrivains favoris.
28. M'atteler, seule ou accompagnée, à une grande oeuvre trans-artistique.
29. Prendre le temps de rêver.
30. Me réconcilier avec...
31. Avoir enfin mon site internet.
32. Trouver du chocolat qui reste bon en été.
33. Ne pas reporter à demain...
34. Assister à une fête du feu au solstice
35. ... plutôt que d'y corriger des copies
36. Réaliser une salade de fruits géante.
37. Voir, le 14 juillet, des feux d'artifice qui ressembleraient vraiment à ceux de Gandalf
38. Organiser une grande séance de rattrapage cinématographique
39. Organiser une semaine jeux de rôle
40. Finir tous les textes que j'ai commencés
41. Finir tous les textes auxquels j'ai pensé mais que je n'ai jamais commencés
42. ... Trouver 59 autres idées de choses à faire cet été ?

D'ici là, je prends courage, et m'apprête à retourner au feu: la rentrée de janvier fut toujours l'une des plus décalées.