vendredi 15 février 2008

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Il y a des gens bizarres dans le pâté de maisons voisins. On ne sait pas trop de quoi ils vivent. Parfois, quand on les regarde avec beaucoup d'attention, on s'aperçoit que leur aspect et leur comportement aussi sont bizarres: celui-ci gobe des mouches avec sa langue, comme une grenouille — cet autre a quelque chose d'un loup, dans sa démarche, dans le regard qu'il pose sur vous derrière la fumée de ses cigarettes — celui-là est un enfant qui ne semble jamais grandir... Alors vous faites des recherches: ces bâtiments ont les mêmes mystérieux propriétaires depuis des années, depuis des siècles, depuis la fondation de la ville en fait. Vous retrouvez de vieilles photographies, et vous reconnaissez, sur ce cliché de 1890, la même jeune femme à la peau blanche comme la neige, à la chevelure noire comme la nuit, que vous avez croisée hier soir dans la rue — sur cet instantané de 1935, le même adolescent vêtu de bleu qui joue de la trompette le samedi soir sur une petite scène de blues...
Bien sûr vous connaissez la chanson, on ne vous la fait plus, vous avez lu Anne Rice, vous savez bien ce que sont ces gens-là: des Vampires, tissant leurs toiles millénaires et manipulant les pauvres humains !
...
Ou bien pas.
Ou bien, peut-être, sont-ils un tout autre peuple, avec de tout autres fins.
Rencontrez les dans les comics Fables, écrits par Bill Willingham, et publiés chez DC. En anglais.

Vous avez lu Frankenstein, celui de Mary Shelley. Vous faites partie de ceux qui se souviennent que ce nom est celui du savant, non de sa créature. Vous connaissez même son prénom: Victor Frankenstein, un jeune scientifique suisse qui voulait vaincre la mort elle-même par l'infini pouvoir qui avait été celui de Zeus et de sa foudre, l'Electricité. Pourtant l'oeuvre vous a laissé vaguement insatisfait, comme s'il manquait quelque chose, comme si on vous cachait quelque chose. Comment Victor Frankenstein a-t-il pu en arriver là? D'où lui venaient son savoir et sa sapience? quel rapport entre cette histoire et le cauchemar de Mary Shelley, où se cache donc l'enfant mort-né qui a engendré ce roman? Qui était vraiment Elisabeth Lavenza, l'enfant trouvée, la soeur adoptive puis la fiancée de Victor? N'existe-t-elle que pour trouver la mort des mains de la Créature?
Vous avez raison. On ne vous avait pas tout dit. Vous pouvez lire à présent les Mémoires d'Elizabeth Frankenstein rassemblées par Theodore Roszak, et traduites au Cherche-Midi.

Vous vous êtes peut-être lamentés, comme moi, sur la baisse du nombre de lecteurs, sur ces générations qui petit à petit se détournent des livres et passent de longues heures devant un jeu vidéo, ou, pire, un inepte reality-show. Vous avez secoué la tête d'un air résigné et admis le constat. Les gens veulent des satisfactions plus immédiates que celles qu'offrent les livres. La pensée à long ou moyen terme se dissout, et avec elle la capacité de concentration. Si vous êtes pessimiste, vous avez même dénombré les conséquences de ce phénomène, les manipulations auxquelles les gens devenaient vulnérables... Ou bien vous vous êtes dit que vous deveniez vieux, à idéaliser ainsi le Bon Vieux Temps...
Mais pas du tout ! Le phénomène existe. Il a même une cause. Et, peut-être, une solution.
Elles sont révélées dans First Among Sequels, le cinquième tome des inventives et délirantes aventures de Thursday Next, par Jasper Fforde. Les quatre premiers tomes, L'Affaire Jane Eyre, Délivrez-moi !, Le Puits des Histoires Perdues et Sauvez Hamlet !, sont traduits et publiés chez Fleuve Noir.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Maintenant que j'y pense... Le jardin d'à côté à Villebon était toujours entretenu, les façades également, mais les volets toujours fermés... Hum hum...

Alba a dit…

Tu adorerais Fables, vraiment. Je le recommande hautement !