Tant à crier, et si peu de voix.
On ne sait où commencer, on a peur de commencer, peur de finir — de finir où ?
On ne sait par où résister, on est attaqué de toutes parts, on n'a pas le temps de se retourner.
Et puis on n'a jamais été très doué pour résister. On est par excellence le pronom de la majorité silencieuse.
On est bien obligé d'ouvrir plusieurs fronts, de feux en contre-feux, on ne sait plus où donner de la voix, où donner de la révolte.
Je choisis l'Université.
Parce que le péril est immense, un gouffre qui s'ouvre sous nos pieds — sous les pieds de la France, dirait Hugo que chacun cite ces jours-ci.
Et parce que malgré tout je souris et me souviens, je choisis cette preuve que l'heure est vraiment grave :
Communiqué
Réunis en assemblée générale le 23 janvier 2009, les professeurs et les maîtres de conférences de l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence ont approuvé à l'unanimité les motions adoptées par la coordination nationale des universités le 22 janvier 2009, qui exigent, notamment, que le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche retire sans préalable le projet de décret modifiant le statut des enseignants-chercheurs.
Certains volets de ce texte mettent gravement en cause les libertés académiques et le mode d'évaluation par les pairs dont bénéficie tout universitaire.
Faute de retrait du projet avant le 2 février 2009, le corps enseignant de l'IEP, pour la première fois de son histoire, s'associera à la grève totale, reconductible et illimitée décidée par la coordination nationale.
Ce retrait doit être le point de départ d'une concertation d'ensemble visant à assurer le renouveau et le développement de l'Université, mais aussi à donner aux enseignants-chercheurs les moyens et le statut garantissant l'accomplissement de leurs missions.
Cet enjeu concerne tout particulièrement les Instituts d'études politiques dont les spécificités au sein de l'enseignement supérieur doivent être protégées. A cet effet, nous demandons à l'ensemble des directeurs d'IEP de se coordonner afin d'agir en ce sens auprès du Ministère.
Je confirme : jamais, jamais, ils n'ont pris pareille décision. Ce sont des hommes et des femmes qui connaissent la chanson, et que la vieille ironie a toujours gardés de l'engagement. Des esprits pratiques, qui tous ont lu Machiavel et se préparent calmement à négocier avec les Princes.
Mais pas cette fois.
Cette fois, ils franchissent le Rubicon.
Puissent-ils emporter la victoire.