J'ai déjà eu l'occasion de parler ici de cette partie du nouveau programme de première qui me semble être bien davantage qu'un chapitre ou qu'un "objet d'étude", mais une question qui traverse et fédère l'ensemble du programme.
Du moins c'est ainsi que je l'aborde.
Le jour de la rentrée, j'ai proposé à mes élèves un questionnaire de Proust un peu modifié qui incluait entre autres cette question: qu'est-ce qui, selon vous, caractérise le mieux l'être humain?
Voici un aperçu de leurs réponses.
(créé grâce à Wordle)
A voir, bien sûr, si leurs idées seront les mêmes en fin d'année.
Après Antigone. Après Vercors. Après les tyrans et leurs assassins, dont on ne sait qui est le masque de l'autre. Après le Roi des Aulnes. Après les monstres. Après les savants fous. Après les humanistes. Après les poètes, les prophètes, ceux qui déchiffrent le monde ou y allument leur humble lumière.
dimanche 23 octobre 2011
vendredi 21 octobre 2011
Inventio
Je viens de retrouver ce "sujet d'invention", nomenclature du baccalauréat, que j'avais rédigé en surveillant le bac 2009, série L.
Et que je vous livre, car je relis sans déplaisir cet exercice, scolaire certes, comme il se doit, mais romantique à l'excès et plein de ce panache que je ne rougis pas d'aimer. Car Kean, ici, c'est un peu Cyrano.
Le texte de départ :
Le sujet :
Mon "devoir" :
KEAN, SALOMON.
En coulisses. Des toiles peintes de décors sont appuyées contre les murs, des accessoires encombrent la scène. Kean se tient face à un miroir, toujours en costume, à demi démaquillé. Salomon le contemple un moment en silence.
SALOMON : Et bien, es-tu content ? As-tu fait ton effet ? Depuis combien de temps préparais-tu cette sortie ?
KEAN, doucement : Ne triche pas. Pas toi. (Il se retourne, s’approche de Salomon, le saisit aux épaules.) Ne leur emprunte pas leurs mots. Ne prétends pas comme eux que Kean n’est qu’un cabotin, qu’il calcule ses effets et soigne ses sorties, ne va pas croire… (Il le lâche.) Rien n’était préparé. Pas cette fois.
Salomon se tait, le regarde.
KEAN : Tu ne me crois pas. Même toi. Et bien soit, puisque ce mot vous plaît (il s’enveloppe de sa cape d’un mouvement très théâtral) je m’en drape. C’était une sortie. La plus belle. La dernière.
Salomon contemple le reflet de Kean dans le miroir.
KEAN, tristement : Même cela tu ne le crois pas.
SALOMON, montrant le miroir : Regarde toi. Un comédien. C’est ce que tu es. De cela on ne sort pas.
KEAN, violemment, arpentant la scène : On n’en sort pas, on n’en sort pas, voilà au moins une vérité ! On n’en a jamais fini avec ce métier, on s’y précipite tout entier, chaque soir ; jamais on ne gagne, jamais on ne se repose, jamais on n’est sûr. Nous sommes des joueurs qui misent leur vie entière chaque soir et la remettent en jeu le lendemain, encore, encore… Et jamais l’on n’en sort. Chaque soir je passe cette porte (il traverse un élément de décor) vers l’arène.
SALOMON : Tu l’aimes pourtant, cette arène. Tu n’y meurs pas, tu y brilles.
KEAN : Tu as raison : pire qu’une arène. Jamais on n’a exigé des chrétiens de Rome qu’ils parlent beau, que leur voix porte, qu’ils plaisent aux lions. Moi je dois me vendre chaque soir, me vendre tout entier, mon corps, mes mots, mon âme… et je dois leur plaire ! Et je dois les séduire ! Prostitué ! (Il dégrafe violemment son pourpoint.) Pire qu’un prostitué : on ne reproche pas au giton son trop de séduction, et tu entends ce qu’ils disent de moi : Cabotin !
Salomon pendant cette tirade regarde tantôt Kean, tantôt son reflet.
KEAN : Oui, oui, je sais ce que tu penses encore, c’est inscrit là dans tes yeux, dans ce miroir ! (Il se retourne et le brandit) Pauvre Kean, comme il cabotine en se plaignant de devoir cabotiner. (Il repose le miroir, toujours face au public.) Et tu ne me crois pas. On ne me croit pas. Les comédiens ne jouent finalement qu’un seul et même rôle : celui de Cassandre. (Une pause.) Tu regardes le miroir. Tout le monde le regarde. Sais-tu pourquoi ? Ils ne m’ont pas écouté le dire tout à l’heure : ils n’aiment que ce qui est faux. Si je disais la vérité, ah, voilà qui serait abominable ! Dès qu’on commence à éprouver, à sentir vrai, à aimer, à pleurer pour de vrai, on cesse d’être comédien. (Amèrement) Un homme qui aime est un mauvais acteur.
Il tourne le dos à Salomon et commence, lentement, d’ôter son maquillage.
SALOMON : Ce n’est pas vrai. Personne n’a d’émotions plus intenses, personne n’a de passions plus vastes qu’un comédien. Kean, Kean, c’est pour cela qu’ils te haïssent, c’est cela qu’ils t’envient. Aucun d’entre eux n’aimera comme tu aimes. Aucun ne sera jamais Roméo, aucun ne mourra d’amour ni ne connaître la grâce d’une nuit unique avant que chante l’alouette. Aucun de ceux qui écument de jalousie n’aura la grandeur assassine d’Othello, aucun de ceux qui sont pères n’a engendré de Cordelia, aucun ne croisera de sorcières en rentrant chez lui ni ne verra marcher le bois de Birnam ! Ce que tu vis, seul un comédien peut le vivre.
KEAN s’écarte du miroir pour l’écouter : Oui, n’est-ce pas ? C’est notre grâce. Quand je joue Falstaff (il saisit un masque de comédie), nul n’est plus bouffon que moi. Quand je suis Œdipe (il cache son visage derrière un masque de tragédie), nul n’est plus triste. (Son agitation croît pendant toute cette tirade) Oui, n’est-ce pas, nos passions sont immenses, loin au-dessus de celles des hommes mortels. (Il bondit sur des tréteaux transportés par des machinistes) Semblables à celles des dieux ! (criant) Les comédiens sont des dieux ! (Les accessoiristes inclinent les tréteaux, Kean tombe). Ainsi ils tombent de plus haut, terrassés par l’hybris. Fous. Le théâtre rend fou. (Salomon vient l’aider à se relever). Je suis leur catharsis, Salomon, ils laissent toutes leurs horribles passions couler en moi, pour que je les garde de leurs propres folies. Et ils croient qu’elles peuvent me traverser et me laisser indemne ? Et tu crois… ? (Il se dégage.) Tu devrais le savoir, pourtant, vieux compagnon. Tu me vois quitter le théâtre chaque nuit, tu viens me border parfois, lorsque je joue Macbeth et que mes nuits se trempent de cauchemars. Lorsque je joue Hamlet, je suis pris de crises parfois qui me laissent inertes et sans volonté, et je ne sais plus ce que c’est que d’exister. Lorsque je joue un assassin… (d’un revers de main, il étale sur son visage la dernière trace de fard rouge.) Oh, ils le savent bien. Ils ont inventé pour cela notre métier. Ils ont raison de dire que nous sommes la lie du monde, plus vils encore que les maquereaux et les filles de joie. Autrefois ils sacrifiaient des boucs sur l’autel de nos scènes. Aujourd’hui c’est moi le bouc, Salomon. C’est moi le bouc.
Salomon le prend doucement par les épaules et le fait avancer en passant devant les toiles peintes des décors, une forêt, un palais, un cimetière.
SALOMON : Pauvre Kean… Si vraiment tu es fou, si vraiment tu es allé si loin, au-delà des sociétés humaines, quel autre métier pourras-tu jamais exercer ? Quelle autre place pourras-tu occuper ? Quel autre rôle sera à ta mesure ? Te feras-tu ermite ? Seras-tu couronné roi par quelque tribu perdue ?
KEAN : … Ou mourrai-je, peut-être ? L’acteur n’a-t-il pas d’autre fin à sa comédie ? L’acteur qui ne plaît plus a-t-il d’autre moyen de reconquérir une place dans les cœurs ? Est-ce cela, la sortie de Kean ? Faut-il partir au faîte de la gloire comme les héros de tragédie ?
SALOMON, à Kean puis au public : Que sais-tu de ce qui plaît, de ce qui dure? Ceux-là qui t’ont hué ce soir vanteront peut-être demain tes louanges. Ce que te reprochent les princes d’aujourd’hui sera peut-être ta gloire de demain ? Ta sortie de ce soir pourrait bien être ton couronnement, ce que l’on répétera dans un siècle, ce qu’on applaudira le plus — et Kean sera le nom du courage, de la vérité, de la modernité.
KEAN : Mais encore dois-je être applaudi. Encore dois-je les impressionner. Qui d’autre que toi saura démêler sous ces oripeaux mon âme d’homme ? Qui d’autre que toi aura jamais connu le son de ma voix hors de scène ? C’est quand je suis autre qu’on m’aime, quand je porte le mieux mon masque d’histrion. Personne au monde n’est plus mal aimé qu’un acteur.
Pendant cette tirade, Salomon a fini de le démaquiller, lui ôte son costume de scène pour le remplacer par un costume de ville.
SALOMON : Vanité, encore ! Crois-tu donc qu’il en va autrement dans le monde ? Le monde est un théâtre où tous nous jouons des rôles de composition, où tous nous portons des masques, l’amoureux qui veut séduire, le ministre qui doit convaincre, l’époux qui cherche le pardon… Aimerais-tu jouer leur part sans gloire ? Aimerais-tu t’appeler menteur plutôt que comédien, hypocrite plutôt que cabotin ? Tes rôles à toi ne sont que plus grands, plus brillants que les nôtres.
Il lui passe son manteau de ville. Kean se laisse faire, se retourne une dernière fois vers Salomon avant de quitter la scène.
KEAN : Et toi alors, qui sais le monde et la scène, les vérités et les mensonges — quel est ton rôle ?
SALOMON : Monsieur, je suis votre souffleur.
Et que je vous livre, car je relis sans déplaisir cet exercice, scolaire certes, comme il se doit, mais romantique à l'excès et plein de ce panache que je ne rougis pas d'aimer. Car Kean, ici, c'est un peu Cyrano.
Le texte de départ :
TEXTE D - Jean-Paul Sartre, Kean.
[ Dans sa première version, cette œuvre était sous-titrée « Désordre et génie ».
A Londres, Kean, acteur célèbre, joue Othello, de Shakespeare. Othello, jaloux, tue se femme; Desdémone, en l'étouffant avec un oreiller. Or, dans la salle, se trouve Eléna, la femme du comte, ambassadeur du Danemark, et Kean en est amoureux, Mais il la croit convoitée par le prince de Galles, assis à côté d'elle. Soudain Kean, depuis la scène, s'adresse à eux.]
KEAN. [ ... ] (Tourné vers Eléna).
Vous, Madame, pourquoi ne joueriez-vous pas Desdémone ? Je vous étranglerais si gentiment ? (Élevant l'oreiller au-dessus de sa tête.) Mesdames, Messieurs, l'arme du crime. Regardez ce que j'en fais. (Il le jette devant l'avant-scène, juste aux pieds d'Eléna.) A la plus belle. Cet oreiller, c'est mon cœur ; mon cœur de lâche tout blanc : pour qu'elle pose dessus ses petits pieds. (A Anna.) Va chercher Cassio, ton amant : il pourra désormais te cajoler sous mes yeux (1). (Se frappant la poitrine.) Cet homme n'est pas dangereux. C'est à tort qu'on prenait Othello pour un grand cocu royal. Je suis un co ... co... un... co ... co ... mique. (Rires. Au prince de Galles.) Eh bien, Monseigneur, je vous l'avais prédit : pour une fois qu'il me prend une vraie colère, c'est l'emboîtage (2).
(Les sifflets redoublent : « A bas Kean ! A bas l'acteur ! » Il fait un pas vers le public et le regarde. Les sifflets cessent.)
Tous, alors ? Tous contre moi ? Quel honneur ! Mais pourquoi ? Mesdames, Messieurs, si vous me permettez une question. Qu'est-ce que je vous ai fait ? Je vous connais tous mais c'est la première fois que je vous vois ces gueules d'assassins. Est-ce que ce sont vos vrais visages ? Vous veniez ici chaque soir et vous jetiez des bouquets sur la scène en criant bravo. J'avais fini par croire que vous m'aimiez... Mais dites donc, mais dites donc : qui applaudissiez-vous ? Hein ? Othello ? Impossible : c'est un fou sanguinaire. Il faut donc que ce soit Kean. « Notre grand Kean, notre cher Kean, notre Kean national ». Eh bien le voilà, votre Kean ! (Il tire un mouchoir de sa poche et se frotte le visage. Des traces livides apparaissent.) Oui, voilà l'homme. Regardez-le. Vous n'applaudissez pas ? (Sifflets.) C'est curieux, tout de même : vous n'aimez que ce qui est faux.
LORD MEWILL, de sa loge.
— Cabotin !
KEAN.
— Qui parle ? Eh ! Mais c'est Mewill (3) (Il s'approche de la loge.) J'ai flanché tout à l'heure parce que les princes m'intimident, mais je te préviens que les punaises ne m'intimident pas. Si tu ne fermes pas ta grande gueule, je te prends entre deux ongles et je te fais craquer. Comme ça. (Il fait le geste. Le public se tait.) Messieurs dames, bonsoir. Roméo, Lear et Macbeth (4) se rappellent à votre bon souvenir : moi je vais les rejoindre et je leur dirai bien des choses de votre part. Je retourne dans l'imaginaire où m'attendent mes superbes colères. Cette nuit, Mesdames, Messieurs, je serai Othello, chez moi, à bureaux fermés (5), et je tuerai pour de bon. Evidemment, si vous m'aviez aimé... Mais il ne faut pas trop demander, n'est-ce pas ? A propos, j'ai eu tort, tout à l'heure, de vous parler de Kean. Kean est mort en bas âge. (Rires.) Taisez-vous donc, assassins, c'est vous qui l'avez tué ! C'est vous qui avez pris un enfant pour en faire un monstre (6) ! (Silence effrayé du public.) Voilà ! C'est parfait : du calme, un silence de mort. Pourquoi siffleriez-vous ? il n'y a personne en scène. Personne. Ou peut-être un acteur en train de jouer Kean dans le rôle d'Othello. Tenez, je vais vous faire un aveu : je n'existe pas vraiment, je fais semblant. Pour vous plaire, Messieurs, Mesdames, pour vous plaire. Et je... (Il hésite et puis, avec un geste « A quoi bon ! ».) ... c'est tout.
Il s'en va, à pas lents, dans le silence ; sur scène tous les personnages sont figés de stupeur. Salomon (7) sort de son trou, fait un geste désolé au public et crie en coulisse :
SALOMON.
— Rideau ! voyons ! Rideau !
UN MACHINISTE.
— J'étais allé chercher le médecin de service.
SALOMON.
— Baisse le rideau, je te dis... (Il s'avance vers le public.) Mesdames et Messieurs... la représentation ne peut continuer. Le soleil de l'Angleterre s'est éclipsé : le célèbre, l'illustre, le sublime Kean vient d'être atteint d'un accès de folie.
Bruit dans le public. Le comte réveillé en sursaut se frotte les yeux.
LE COMTE.
— C'est fini ? Eh bien, Monseigneur, comment trouvez-vous Kean ?
LE PRINCE, du ton que l'on prend pour féliciter un acteur de son jeu.
— Il a été tout simplement admirable.
1. Anna joue Desdémone. Cassio est, dans la pièce de Shakespeare, celui qu'Othello pense être son amant ; de même, Kean suspecte le prince et Eléna.
2. emboîtage : action de siffler un acteur, une pièce.
3. Mewill: un aristocrate, convoitant Anna, la partenaire de Kean, humilié par ce dernier, mais qui, au nom de son rang, avait refusé de se battre avec un acteur.
4. Ce sont des personnages du théâtre de Shakespeare au destin fatal : Roméo, grand amoureux ; le roi Lear d'une part, et Macbeth, souverain usurpateur, d'autre part, sont tous deux en proie à la violence de leurs tourments.
5. à bureaux fermés: donc, sans public.
6. Enfant, Kean était un saltimbanque des rues.
7. Salomon est à la fois le valet, le confident, et le souffleur de Kean.
Le sujet :
Salomon rejoint son maître chez lui. Il tente de le persuader de ne pas renoncer à être acteur de théâtre. Vous rédigerez leur conversation sous forme de dialogue théâtral, incluant des didascalies. La jalousie de Kean ne sera pas le thème essentiel de leur échange.
Mon "devoir" :
KEAN, SALOMON.
En coulisses. Des toiles peintes de décors sont appuyées contre les murs, des accessoires encombrent la scène. Kean se tient face à un miroir, toujours en costume, à demi démaquillé. Salomon le contemple un moment en silence.
SALOMON : Et bien, es-tu content ? As-tu fait ton effet ? Depuis combien de temps préparais-tu cette sortie ?
KEAN, doucement : Ne triche pas. Pas toi. (Il se retourne, s’approche de Salomon, le saisit aux épaules.) Ne leur emprunte pas leurs mots. Ne prétends pas comme eux que Kean n’est qu’un cabotin, qu’il calcule ses effets et soigne ses sorties, ne va pas croire… (Il le lâche.) Rien n’était préparé. Pas cette fois.
Salomon se tait, le regarde.
KEAN : Tu ne me crois pas. Même toi. Et bien soit, puisque ce mot vous plaît (il s’enveloppe de sa cape d’un mouvement très théâtral) je m’en drape. C’était une sortie. La plus belle. La dernière.
Salomon contemple le reflet de Kean dans le miroir.
KEAN, tristement : Même cela tu ne le crois pas.
SALOMON, montrant le miroir : Regarde toi. Un comédien. C’est ce que tu es. De cela on ne sort pas.
KEAN, violemment, arpentant la scène : On n’en sort pas, on n’en sort pas, voilà au moins une vérité ! On n’en a jamais fini avec ce métier, on s’y précipite tout entier, chaque soir ; jamais on ne gagne, jamais on ne se repose, jamais on n’est sûr. Nous sommes des joueurs qui misent leur vie entière chaque soir et la remettent en jeu le lendemain, encore, encore… Et jamais l’on n’en sort. Chaque soir je passe cette porte (il traverse un élément de décor) vers l’arène.
SALOMON : Tu l’aimes pourtant, cette arène. Tu n’y meurs pas, tu y brilles.
KEAN : Tu as raison : pire qu’une arène. Jamais on n’a exigé des chrétiens de Rome qu’ils parlent beau, que leur voix porte, qu’ils plaisent aux lions. Moi je dois me vendre chaque soir, me vendre tout entier, mon corps, mes mots, mon âme… et je dois leur plaire ! Et je dois les séduire ! Prostitué ! (Il dégrafe violemment son pourpoint.) Pire qu’un prostitué : on ne reproche pas au giton son trop de séduction, et tu entends ce qu’ils disent de moi : Cabotin !
Salomon pendant cette tirade regarde tantôt Kean, tantôt son reflet.
KEAN : Oui, oui, je sais ce que tu penses encore, c’est inscrit là dans tes yeux, dans ce miroir ! (Il se retourne et le brandit) Pauvre Kean, comme il cabotine en se plaignant de devoir cabotiner. (Il repose le miroir, toujours face au public.) Et tu ne me crois pas. On ne me croit pas. Les comédiens ne jouent finalement qu’un seul et même rôle : celui de Cassandre. (Une pause.) Tu regardes le miroir. Tout le monde le regarde. Sais-tu pourquoi ? Ils ne m’ont pas écouté le dire tout à l’heure : ils n’aiment que ce qui est faux. Si je disais la vérité, ah, voilà qui serait abominable ! Dès qu’on commence à éprouver, à sentir vrai, à aimer, à pleurer pour de vrai, on cesse d’être comédien. (Amèrement) Un homme qui aime est un mauvais acteur.
Il tourne le dos à Salomon et commence, lentement, d’ôter son maquillage.
SALOMON : Ce n’est pas vrai. Personne n’a d’émotions plus intenses, personne n’a de passions plus vastes qu’un comédien. Kean, Kean, c’est pour cela qu’ils te haïssent, c’est cela qu’ils t’envient. Aucun d’entre eux n’aimera comme tu aimes. Aucun ne sera jamais Roméo, aucun ne mourra d’amour ni ne connaître la grâce d’une nuit unique avant que chante l’alouette. Aucun de ceux qui écument de jalousie n’aura la grandeur assassine d’Othello, aucun de ceux qui sont pères n’a engendré de Cordelia, aucun ne croisera de sorcières en rentrant chez lui ni ne verra marcher le bois de Birnam ! Ce que tu vis, seul un comédien peut le vivre.
KEAN s’écarte du miroir pour l’écouter : Oui, n’est-ce pas ? C’est notre grâce. Quand je joue Falstaff (il saisit un masque de comédie), nul n’est plus bouffon que moi. Quand je suis Œdipe (il cache son visage derrière un masque de tragédie), nul n’est plus triste. (Son agitation croît pendant toute cette tirade) Oui, n’est-ce pas, nos passions sont immenses, loin au-dessus de celles des hommes mortels. (Il bondit sur des tréteaux transportés par des machinistes) Semblables à celles des dieux ! (criant) Les comédiens sont des dieux ! (Les accessoiristes inclinent les tréteaux, Kean tombe). Ainsi ils tombent de plus haut, terrassés par l’hybris. Fous. Le théâtre rend fou. (Salomon vient l’aider à se relever). Je suis leur catharsis, Salomon, ils laissent toutes leurs horribles passions couler en moi, pour que je les garde de leurs propres folies. Et ils croient qu’elles peuvent me traverser et me laisser indemne ? Et tu crois… ? (Il se dégage.) Tu devrais le savoir, pourtant, vieux compagnon. Tu me vois quitter le théâtre chaque nuit, tu viens me border parfois, lorsque je joue Macbeth et que mes nuits se trempent de cauchemars. Lorsque je joue Hamlet, je suis pris de crises parfois qui me laissent inertes et sans volonté, et je ne sais plus ce que c’est que d’exister. Lorsque je joue un assassin… (d’un revers de main, il étale sur son visage la dernière trace de fard rouge.) Oh, ils le savent bien. Ils ont inventé pour cela notre métier. Ils ont raison de dire que nous sommes la lie du monde, plus vils encore que les maquereaux et les filles de joie. Autrefois ils sacrifiaient des boucs sur l’autel de nos scènes. Aujourd’hui c’est moi le bouc, Salomon. C’est moi le bouc.
Salomon le prend doucement par les épaules et le fait avancer en passant devant les toiles peintes des décors, une forêt, un palais, un cimetière.
SALOMON : Pauvre Kean… Si vraiment tu es fou, si vraiment tu es allé si loin, au-delà des sociétés humaines, quel autre métier pourras-tu jamais exercer ? Quelle autre place pourras-tu occuper ? Quel autre rôle sera à ta mesure ? Te feras-tu ermite ? Seras-tu couronné roi par quelque tribu perdue ?
KEAN : … Ou mourrai-je, peut-être ? L’acteur n’a-t-il pas d’autre fin à sa comédie ? L’acteur qui ne plaît plus a-t-il d’autre moyen de reconquérir une place dans les cœurs ? Est-ce cela, la sortie de Kean ? Faut-il partir au faîte de la gloire comme les héros de tragédie ?
SALOMON, à Kean puis au public : Que sais-tu de ce qui plaît, de ce qui dure? Ceux-là qui t’ont hué ce soir vanteront peut-être demain tes louanges. Ce que te reprochent les princes d’aujourd’hui sera peut-être ta gloire de demain ? Ta sortie de ce soir pourrait bien être ton couronnement, ce que l’on répétera dans un siècle, ce qu’on applaudira le plus — et Kean sera le nom du courage, de la vérité, de la modernité.
KEAN : Mais encore dois-je être applaudi. Encore dois-je les impressionner. Qui d’autre que toi saura démêler sous ces oripeaux mon âme d’homme ? Qui d’autre que toi aura jamais connu le son de ma voix hors de scène ? C’est quand je suis autre qu’on m’aime, quand je porte le mieux mon masque d’histrion. Personne au monde n’est plus mal aimé qu’un acteur.
Pendant cette tirade, Salomon a fini de le démaquiller, lui ôte son costume de scène pour le remplacer par un costume de ville.
SALOMON : Vanité, encore ! Crois-tu donc qu’il en va autrement dans le monde ? Le monde est un théâtre où tous nous jouons des rôles de composition, où tous nous portons des masques, l’amoureux qui veut séduire, le ministre qui doit convaincre, l’époux qui cherche le pardon… Aimerais-tu jouer leur part sans gloire ? Aimerais-tu t’appeler menteur plutôt que comédien, hypocrite plutôt que cabotin ? Tes rôles à toi ne sont que plus grands, plus brillants que les nôtres.
Il lui passe son manteau de ville. Kean se laisse faire, se retourne une dernière fois vers Salomon avant de quitter la scène.
KEAN : Et toi alors, qui sais le monde et la scène, les vérités et les mensonges — quel est ton rôle ?
SALOMON : Monsieur, je suis votre souffleur.
samedi 8 octobre 2011
Des Mots d'Ici & D'Ailleurs, Deuxième !
A l'occasion d'une grande manifestation autour du livre et de l'écriture, je serai à L'Esplanade du Lac de Divonne le samedi 15 octobre après-midi, pour lire et dédicacer Contes de villes et de fusées et Flammagories.
Pendant cette semaine, vous pourrez aussi participer à des ateliers d'écriture, discuter avec des éditeurs, écouter des contes avec vos enfants (ou sans, pas de limite supérieure d'âge pour les Peter Pan que nous sommes), manger des gâteaux et lâcher des ballons !
La Médiathèque Correspondances et L'Esplanade du Lac, 181 avenue de la Plage, 012220 Divonne les Bains
Je vous rêve nombreux…
Pendant cette semaine, vous pourrez aussi participer à des ateliers d'écriture, discuter avec des éditeurs, écouter des contes avec vos enfants (ou sans, pas de limite supérieure d'âge pour les Peter Pan que nous sommes), manger des gâteaux et lâcher des ballons !
La Médiathèque Correspondances et L'Esplanade du Lac, 181 avenue de la Plage, 012220 Divonne les Bains
Je vous rêve nombreux…
dimanche 2 octobre 2011
Dionysos, pas Apollon
Ne croyez pas ce que disent les journalistes : il est rare d’assister à une tragédie.
Une vraie tragédie, au sens plein du terme, au sens grec.
Même au théâtre, cela reste rare.
Parce que le monde a changé, notre regard de spectateur aussi, parce que les tragédies raciniennes ont brouillé le jeu et nous ont éloigné de cette tragédie première.
Nous avons oublié, par exemple, que le Chœur chante et danse. Ces intermèdes ne sont pas légers et sautillants comme chez Molière, ils participent pleinement du tragique.
Nous avons oublié que la purgation des passions, pour opérer, ne doit pas rester grave, digne et posée. Elle doit déborder, hurler, entrer en transe, basculer dans la folie.
Nous avons oublié, surtout, que la fête théâtrale est dionysiaque, pas apollinienne.
Tout cela, Wajdi Mouawad nous le rappelle, avec une force qui jamais ne se départit de la grâce. Une grâce presque surnaturelle qui tient à tant de variables, à tant de circonstances, à tant de choix peut-être hasardeux, que l’on pourrait parler de miracle.
Son Antigone est bien celle de Sophocle, et cela seul est déjà extraordinaire. Car c’est tout l’enjeu de la représentation du théâtre antique : comment reproduire, sur des spectateurs modernes, l’effet originel? Jusqu’où, exactement, faut-il moderniser? Un pas de trop, et l’on bascule dans l’excès branché, dans le toc, la poudre aux yeux, dans la trahison sans objet. Un pas de moins, trop timoré, et l’on se borne à l’imitation, un monde étranger aux spectateurs, étanche, incompréhensible.
La grâce de Mouawad est de se positionner exactement entre les deux.
Le décor est celui, minimaliste, de l’antique skènè. Un mur, une porte ouverte sur tous les ailleurs, fermée de voiles chatoyants et sanglants comme ceux qui séparent les mondes. Devant, la nudité de l’orchestra avec les seuls accessoires qui importent : un banc, l’eau qui circule entre les puissants de ce monde, la terre et le sang qui rappellent le dû des dieux, les pierres qui scellent le destin des hommes.
La voix des acteurs sonne haut et juste, dans la traduction dépouillée, intemporelle, de Robert Davreu. Les phrases de Sophocle deviennent modernes par la grâce de cette traduction et de la diction, sans besoin d’anachronismes, de familiarités ni de références pataudes. Ce texte, ces voix, ne nous épargnent rien des hésitations d’Ismène, de la fragilité d’Hémon, des folies dissemblables et jumelles d’Antigone et de Créon, tous deux condamnés par l’hybris, la démesure, l’orgueil de l’homme qui croit pouvoir se soustraire au destin. Ce pourquoi Antigone doit crier, doit entrer en transe et danser sa folie sauvage, doit se perdre entre la vie et la mort. Ce pourquoi Créon doit être dur, paranoïaque, violent, avant de finir seul et brisé, en larmes, entouré de fantômes, agrippant follement les lambeaux de lumière de ce qui aurait pu être et qui par sa faute ne sera jamais.
Car la tragédie de Mouawad ne nous épargne rien : pas de salut final, pas de soulagement. Le retour des personnages morts sur scène n’est qu’un rappel douloureux de ce qui est perdu, un dernier éclair qui montre l’étendue de la chute avant de disparaître à nouveau, à jamais, dans la nuit. Créon reste seul avec son désespoir et sa folie. Les spectateurs aussi.
Car Mouawad prend pleinement, délibérément, le chemin de la catharsis. Et avec lui, bien sûr, Bertrand Cantat.
On voudrait pouvoir dire que seules importent la force de sa musique et de sa voix, puissante, modulée, grave, intense dans le chant comme dans la psalmodie. Une voix et une musique qui portent la charge des dieux, des destinées, des Erinyes, mais aussi du peuple, des hommes, de leurs faiblesses. Qui jouent à cette fin de toutes les modulations du rock, de la violence des emportements à la mélancolie de la ballade.
On voudrait pouvoir dire que le nom et le passé de Bertrand Cantat n’importent pas.
Ce serait hypocrite et faux.
Bien sûr qu’ils importent.
Mais cela, qui pourrait être malsain et déplacé, qui pourrait être encombrant, nous détourner de la tragédie — cela nous en rapproche, au contraire.
Ici, le pari risqué du choix de Bertrand Cantat touche vraiment au miracle. Parce que la catharsis se fait aussi à travers lui, pour lui, en lui, sous nos yeux. Parce que les mots que chante le Chœur, que chante Cantat, « Heureux celui qui n’a jamais connu le malheur », résonnent doublement, pour Antigone et sa famille et pour l’homme en noir, debout sur scène, dont nous connaissons la faute et le châtiment.
Jamais cela ne va trop loin. Jamais Cantat n’éclipse le Chœur, et moins encore les acteurs. Il se tient en retrait, dans l’ombre, tendu, douloureux, humble. Là encore la mise en scène de Mouawad trouve le point d’équilibre, la place exacte et juste.
Ce lieu où le théâtre accomplit des miracles, où la magie opère. Sans concession. Pour nous serrer le cœur, nous rappeler que nous sommes mortels, que nous sommes coupables, ou pourrions l’être, tous, tous, très aisément, il suffit d’un moment, d’un pas de trop. Pour qu’à nouveau, comme au temps des Grecs, nous célébrions Dionysos qui nous entraîne, nous perd et nous console, et accomplissions la catharsis que Mouawad définit de façon si moderne et si juste : « Je pense que c’est la rencontre furtive avec sa propre mort. C’est ressentir le désir profond que notre existence soit grande et héroïque, belle, à la hauteur de ce qu’on espérait enfant. Cet instant où ce qui est perdu nous apparaît, exprimé par une réaction émotive, qui nous lave, nous relève, qui console. »
J’ai assisté à la représentation d’Antigone le 1er octobre 2011, dans la trilogie Des femmes (Les Trachiniennes, Antigone, Electre) de Sophocle, mise en scène par Wajdi Mouawad, à la Comédie de Genève.
Une vraie tragédie, au sens plein du terme, au sens grec.
Même au théâtre, cela reste rare.
Parce que le monde a changé, notre regard de spectateur aussi, parce que les tragédies raciniennes ont brouillé le jeu et nous ont éloigné de cette tragédie première.
Nous avons oublié, par exemple, que le Chœur chante et danse. Ces intermèdes ne sont pas légers et sautillants comme chez Molière, ils participent pleinement du tragique.
Nous avons oublié que la purgation des passions, pour opérer, ne doit pas rester grave, digne et posée. Elle doit déborder, hurler, entrer en transe, basculer dans la folie.
Nous avons oublié, surtout, que la fête théâtrale est dionysiaque, pas apollinienne.
Tout cela, Wajdi Mouawad nous le rappelle, avec une force qui jamais ne se départit de la grâce. Une grâce presque surnaturelle qui tient à tant de variables, à tant de circonstances, à tant de choix peut-être hasardeux, que l’on pourrait parler de miracle.
Son Antigone est bien celle de Sophocle, et cela seul est déjà extraordinaire. Car c’est tout l’enjeu de la représentation du théâtre antique : comment reproduire, sur des spectateurs modernes, l’effet originel? Jusqu’où, exactement, faut-il moderniser? Un pas de trop, et l’on bascule dans l’excès branché, dans le toc, la poudre aux yeux, dans la trahison sans objet. Un pas de moins, trop timoré, et l’on se borne à l’imitation, un monde étranger aux spectateurs, étanche, incompréhensible.
La grâce de Mouawad est de se positionner exactement entre les deux.
Le décor est celui, minimaliste, de l’antique skènè. Un mur, une porte ouverte sur tous les ailleurs, fermée de voiles chatoyants et sanglants comme ceux qui séparent les mondes. Devant, la nudité de l’orchestra avec les seuls accessoires qui importent : un banc, l’eau qui circule entre les puissants de ce monde, la terre et le sang qui rappellent le dû des dieux, les pierres qui scellent le destin des hommes.
La voix des acteurs sonne haut et juste, dans la traduction dépouillée, intemporelle, de Robert Davreu. Les phrases de Sophocle deviennent modernes par la grâce de cette traduction et de la diction, sans besoin d’anachronismes, de familiarités ni de références pataudes. Ce texte, ces voix, ne nous épargnent rien des hésitations d’Ismène, de la fragilité d’Hémon, des folies dissemblables et jumelles d’Antigone et de Créon, tous deux condamnés par l’hybris, la démesure, l’orgueil de l’homme qui croit pouvoir se soustraire au destin. Ce pourquoi Antigone doit crier, doit entrer en transe et danser sa folie sauvage, doit se perdre entre la vie et la mort. Ce pourquoi Créon doit être dur, paranoïaque, violent, avant de finir seul et brisé, en larmes, entouré de fantômes, agrippant follement les lambeaux de lumière de ce qui aurait pu être et qui par sa faute ne sera jamais.
Car la tragédie de Mouawad ne nous épargne rien : pas de salut final, pas de soulagement. Le retour des personnages morts sur scène n’est qu’un rappel douloureux de ce qui est perdu, un dernier éclair qui montre l’étendue de la chute avant de disparaître à nouveau, à jamais, dans la nuit. Créon reste seul avec son désespoir et sa folie. Les spectateurs aussi.
Car Mouawad prend pleinement, délibérément, le chemin de la catharsis. Et avec lui, bien sûr, Bertrand Cantat.
On voudrait pouvoir dire que seules importent la force de sa musique et de sa voix, puissante, modulée, grave, intense dans le chant comme dans la psalmodie. Une voix et une musique qui portent la charge des dieux, des destinées, des Erinyes, mais aussi du peuple, des hommes, de leurs faiblesses. Qui jouent à cette fin de toutes les modulations du rock, de la violence des emportements à la mélancolie de la ballade.
On voudrait pouvoir dire que le nom et le passé de Bertrand Cantat n’importent pas.
Ce serait hypocrite et faux.
Bien sûr qu’ils importent.
Mais cela, qui pourrait être malsain et déplacé, qui pourrait être encombrant, nous détourner de la tragédie — cela nous en rapproche, au contraire.
Ici, le pari risqué du choix de Bertrand Cantat touche vraiment au miracle. Parce que la catharsis se fait aussi à travers lui, pour lui, en lui, sous nos yeux. Parce que les mots que chante le Chœur, que chante Cantat, « Heureux celui qui n’a jamais connu le malheur », résonnent doublement, pour Antigone et sa famille et pour l’homme en noir, debout sur scène, dont nous connaissons la faute et le châtiment.
Jamais cela ne va trop loin. Jamais Cantat n’éclipse le Chœur, et moins encore les acteurs. Il se tient en retrait, dans l’ombre, tendu, douloureux, humble. Là encore la mise en scène de Mouawad trouve le point d’équilibre, la place exacte et juste.
Ce lieu où le théâtre accomplit des miracles, où la magie opère. Sans concession. Pour nous serrer le cœur, nous rappeler que nous sommes mortels, que nous sommes coupables, ou pourrions l’être, tous, tous, très aisément, il suffit d’un moment, d’un pas de trop. Pour qu’à nouveau, comme au temps des Grecs, nous célébrions Dionysos qui nous entraîne, nous perd et nous console, et accomplissions la catharsis que Mouawad définit de façon si moderne et si juste : « Je pense que c’est la rencontre furtive avec sa propre mort. C’est ressentir le désir profond que notre existence soit grande et héroïque, belle, à la hauteur de ce qu’on espérait enfant. Cet instant où ce qui est perdu nous apparaît, exprimé par une réaction émotive, qui nous lave, nous relève, qui console. »
J’ai assisté à la représentation d’Antigone le 1er octobre 2011, dans la trilogie Des femmes (Les Trachiniennes, Antigone, Electre) de Sophocle, mise en scène par Wajdi Mouawad, à la Comédie de Genève.
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