dimanche 20 novembre 2011

Maisons & Regards

Retour à mon atelier d'écriture : la contrainte imposait, entre autres, que cette description d'une maison fût faite à travers les yeux d'un personnage particulier. A vous de deviner celui qui m'a été attribué…

Une maison au Yaudet (Côtes d'Armor) qui correspondait parfaitement à ce que je cherchais pour cet exercice. Photographiée par Damien Pobel le 13 septembre 2003 (Creative Commons)

C’est comme une maison qui s’écroule, sauf qu’elle ne s’écroule pas. Comme une maison qui ne tient pas debout, ou qui ne tient debout que par magie, sans qu’on sache trop comment.
Elle pourrait s’écrouler à tout moment. Regarde le jeu qu’il y a entre ces moellons. Mais le toit en pignon est joli.
Est-ce qu’ils réfléchissent à tous ces mots, vrai ? Une maison en pommes de pin, une maison-gâteau, qu’on peut manger, chaque moellon est une petite part, juste à la bonne taille — même si certains sont plus gros que d’autres, vraiment très gros, il faudrait les grignoter pendant toute une année pour en venir à bout.
C’est pour ça qu’on peut construire des maisons en pain d’épices, en cubes de bois — même si ce ne sont pas des cubes, vraiment, il y en a des carrés et des rectangulaires, des plus hauts et des plus allongés, toute une boîte. C’est une maison construite par un géant jouant aux cubes, un gros géant de granite avec un chapeau d’ardoise.
Un toit en ardoise, ça parait sérieux, tout noir, austère, un toit de vieux monsieur sévère. Mais c'est comme la nuit, ce n'est jamais vraiment noir, ça grisonne, ça verdit, ca s'effrite toujours un peu, ça brille au soleil, ça luit sous la pluie. C'est comme un tableau d'école, on voudrait y écrire à la craie, on y dessinerait des nuages ou des étoiles, on y apprendrait à lire aux hiboux.
Et le lierre n’aide pas. Il parasite toute la façade.
Parfois le lierre leur fait comme des cheveux, et les maisons ont l'air de vieilles dames mal peignées. C'est amusant aussi. Mais celle-ci porte ses plantes comme une guirlande de Noel, comme une écharpe, verte et rouge, une écharpe bien épaisse et douillette, qui s'effiloche un peu sur les bords, avec quelques fleurs tissées dedans. L'écharpe d'une dryade qui se préparerait pour l'hiver.
Rose et lierre, fougères et potentille, et une forêt de vigne vierge. Mille plantes grimpantes, et c’est normal, c’est bien une maison sur laquelle on grimpe, on s’accroche à la vigne, hop, on prend appui sur cette pierre mal jointe, on agrippe le lierre, on se hisse sur une corniche, et nous voilà sur le balcon, tout de guingois.
Les plantes cachent même cette fenêtre, imagine comme la pièce doit être sombre !
C’est une maison qui joue à cache-cache.
Le plus caché, c'est l’escalier extérieur. On ne le voit pas tout de suite, on ne comprend pas d'abord que c'est lui qui dicte au lierre ce bizarre chemin à travers la façade. Les feuilles l'ont tellement entouré qu'il est englouti. On doit pouvoir s'y faufiler et le grimper à quatre pattes, comme un tunnel, on pourrait regarder à travers les feuilles, faire le guet, et personne ne nous verrait du dehors.
Toute la maison doit être sombre. Ils perçaient des fenêtres si petites, à l’époque.
Elles ne sont pas vraiment petites, c’est à cause des croisillons, qui font comme plusieurs fenêtres minuscules soudées l’une à l’autre, juste assez grandes pour un visage de fée.
Sans parler du lanterneau, là-bas, tellement petit qu’on ne voit pas ce qu’il peut éclairer. C’est peut-être une issue de secours pour lutins, une entrée secrète pour chat aventureux. Ou bien seulement un œil pour le toit, c’est un toit-cyclope.
Sur l’autre toit il y a deux lucarnes. C'est merveilleux les lucarnes, avec leurs deux joues et leur croupe. De minuscules maisons à une seule fenêtre, qui s'agrippent de toutes leurs pattes au toit de la grande, comme les petits koalas au dos de leur maman. C'est encore plus merveilleux de l'intérieur : un placard où il est permis de se cacher, dont le fond s'ouvre sur le ciel, aussi bien que l'armoire magique de Narnia.
Non, vraiment, on ne peut pas acheter une maison pareille.
Sûr qu’on ne peut pas. Une maison pareille, on ne l’achète pas, on la range bien au chaud, dans la boîte à trésors, pour l’ouvrir le soir avant de s’endormir et la regarder un peu.
Même qu’elle vous fait un clin d’œil en partant.

1 commentaire:

Marc a dit…

C'est un jardin zen de maison.