dimanche 28 août 2005

10 PERSONNAGES... (6)

Cette relation-là est bien moins tendre, bien plus complexe, et il vaut mieux qu'elle n'aille jamais trop loin...

Je sors de l’église.
Un manteau noir ouvert sur un costume blanc.
— Tu ne te sens pas un peu…
Cigarette, flamme sur un visage juvénile, yeux verts, boucles dorées.
—… déplacée ?
— Pourquoi ? C’est un bel endroit. Et un beau rêve.
— Pas un rêve. Une folie.
— La folie est aussi de ma famille.
— Pas ce genre de folie. Ta place n’est pas dans les prisons. S’il y a un rêve il est dehors.
— Qu’est-ce que vous voulez, Morningstar?
Le vent soulève son manteau: des ailes noires.
— Le rêve je l’ai porté aussi. La rébellion contre la tyrannie qui modèle le monde. Ta cause était la mienne. Ta lumière…
Son souffle éparpille un ange dans sa main.
—… la Liberté.

Nos yeux, bleus, verts, clartés ; sa cigarette s’éteint, je souris.
— Le temps de l’Etoile du Matin est passé. Quand le monde était jeune, peut-être auriez-vous pu être celui-là, le briseur de chaînes… Mais vous avez échoué. Prouvé qu’en gagnant la liberté, les anges, comme les autres…
Son ombre sur le mur a les ailes du démon.
— Chutent.
Sa tête penchée, boucles voilant ses traits.
— Alors aide moi.
Et son visage levé, purifié, d’une beauté angélique.
— A redevenir ce que j’étais. Porteur de lumière.

— Pendant le temps d’un battement de cil, la vie et la mort d’une étoile filante… pendant un instant je vous ai presque cru.
— Pour cette parole tu vas payer. Longtemps.
— Par cet instant vous et moi sommes changés. Pour longtemps.
— Ne sois pas si confiante. Tu n’es pas une Infinie.
— Non. Dieu merci, je ne le suis pas.

Le ciel vide. Les étoiles.
Merci bel ange.


Lucifer Morningstar
(Neil Gaiman, The Sandman)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

6. Gwenafra.

Si j’avais pu me douter qu’après ma mort je ne me retrouverais pas dans un monde angélique, mais ici, sur une autre planète, auprès d’un fleuve gigantesque… Alors, je me suis mis en quête d’elle : Gwenafra, parce que j’avais étudié les langues celtiques et que voulais entendre le son du britonnique ancien. Je l’ai cherchée en remontant le fleuve. J’ai appris qu’elle se trouvait sur le grand navire à aubes de Sam Clemens. Le rattraper ne fut pas une mince affaire ! Pourtant j’y suis arrivé. Mais Gwenafra avait un peu oublié l’époque où elle s’exprimait dans la langue de ses ancêtres et préférait l’anglais. Je n’appris pas grand-chose avec elle. J’ai juste rêvé de caresser sa chevelure rousse pendant qu’elle me racontait les bribes de ce qu’elle savait le soir, au bord du fleuve. Mais elle n’était pas le témoin idéal. Je n’avais pourtant pas envie de partir et de me mettre en quête d’une tribu qui m’aurait renseigné. A vrai dire, je ne sais pas trop comment ils m’auraient accueilli dans ce monde bizarre. Il y avait juste l’image de cette femme qui m’obsédait pourtant : une blonde en toge blanche officiant à Stonehenge, une prêtresse… Je connaissais son nom. Je ne savais pas comment elle avait pu se retrouver ici. Je devais rêver tout cela. L’île d’Avalon, c’était différent de cette planète et pourtant…J’évoquais ce nom avec Gwenafra. Elle ne savait pas grand-chose non plus dans ce domaine, et puis, me disait-elle, « Quelle importance, maintenant ? ». L’autre côté nous y sommes à présent, nous savons à quoi cela ressemble !

Gwenafra (P.J. Farmer, le monde du fleuve)