mercredi 28 septembre 2005

ABSENCE

L'absence n'est jamais où on l'attend. Quoi de plus normal ? L'absence est ce qui échappe.
Pour se poser, il lui faut l'immobilité. Pour que le vide prenne forme, il faut interrompre sa course. Pour avoir un poids, il lui faut du temps.
Et je n'en ai pas. Je cours. Sans m'arrêter. Et le vide ne me rattrape pas.

Quel nom donner alors à cette chose sans contour que je perçois confusément ? Cette ombre tremblante, ce vacillement de la pensée, ces secondes où l'esprit perd l'équilibre, une marche se dérobant sous lui : c'est ça — une marche absente.
Cet étonnement perpétuel et diffus : quand on lève les yeux vers un objet familier, et ne le trouve pas, et qu'il nous faut toujours quelques secondes pour nous rappeler pourquoi.
D'autant plus périlleuse et déstabilisante qu'elle n'est pas absolue : l'absence infime qui n'est pas rupture, qui n'est pas mort. Qui n'a pas de nom, décidément pas de nom, qui n'est qu'un souffle, le coeur qui manque un battement, juste un, jamais plus d'un.
Ce n'est après tout que ce vieux poncif de chanson pop vaguement mélancolique : I miss you more than I can tell.
Mais surtout : I miss you more because I can't tell.
Tu m'échappes d'autant plus que ton absence elle-même m'échappe.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

L'absence oui, je sais... L'absence absolue, celle du mépris. L'absence pire que celle de la mort, car dans la mort elle-même il y a un espoir, celle du pardon, celle de la possibilité de revoir l'être aimé, libéré des contraintes d'ici-bas qui nous ont empêché de nous rencontrer ! Ce que tu ressens est à la fois proche et différent de ce qui touche ma chair. Mais il y a l'absence et l'éloignement...

Keep your upper lip strong !

Anonyme a dit…

"Pour que le vide prenne forme, il faut interrompre sa course. Pour avoir un poids, il lui faut du temps."

Très bien .

Pourqoi avoir écrit les lignes suivantes ?
Pourquoi ne pas avoir profité des minutes dont vous avez disposé autrement pour interrompre votre course , gagner du poids , de la densité ?
Tenter d'atteindre ce Vide , n'est ce pas plus important ?

Malgré cette reflexion , je découvre votre blog avec un grand plaisir !!!
Je reviendrai souvent vous rendre visite !

Alba a dit…

Merci à vous, Jean. Les lignes que vous écrivez ici ont la même humilité sensible, la même patiente exploration, que vos photographies. Il n'en est pas toujours ainsi, et c'est toujours une bonne surprise.

Pour répondre à ce commentaire précis : parce que c'est en écrivant que l'on donne forme au vide, qu'on l'appréhende. Pardon : que JE l'appréhende, vous l'auriez peut-être photographié. Peut-on photographier le vide ? J'adorerais voir ce que vous en feriez.