vendredi 27 octobre 2006

ENQUÊTE LINGUISTIQUE

Je ne sais pourquoi, je viens soudain de me trouver poursuivie par le mot :

ÉBATS

Il m'obsède, me pourchasse, m'enchante, je ne m'en défais pas.

Pour exorciser cette possession, je décide de le considérer d'un sage point de vue linguistique... argh, linguistique est un mauvais mot... d'un sage point de vue lexical, et pars en chasse dans les dictionnaires.

Le Robert est décevant :
ÉBATS : Jeux, mouvements d'un être qui s'ébat. "Des ébats de cygnes dans les claires eaux des viviers" (Hugo).


J'aime Hugo, mais je n'aime pas les cygnes.
J'aime le mot de "jeux", qui en effet fait une partie du charme de "ébats"... mais ne suffit pas.

Le Dictionnaire des Synonymes est plus fertile :
ÉBAT et ÉBATTEMENT (au pl.) : amusement (mais oui), délassement (d'une certaine façon... ou bien délacement ? Un corset...), distraction, divertissement, jeu, mouvement (certes les mouvements sont importants aussi), passe-temps (oh que non !), récréation (celui-ci m'amuse, c'est le nom du fichier de mon texte sur l'Opéra...), sport (de loin le plus alléchant), voir PLAISIR (ah, tout de même !) et par extension, CARESSE.
Contraire : REPOS.
Bannissons donc le repos.

Et un synonyme qualifié de "littéraire", un mot que je n'avais jamais entendu : oaristys.

Oaristys ??
Je m'en retourne consulter le Robert.
OARISTYS : fin XVIIIe (Liaisons Dangereuses ?), mot grec. Idylle, ébats amoureux. "Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !" (Verlaine).

Verlaine est plus explicite qu'Hugo. Quoique à y réfléchir... les cygnes... Léda et Zeus...

Mais le Dictionnaire des Synonymes proposait des renvois suggestifs, et je ne voudrais pas bouder mon...

PLAISIR : agrément, aise (j'aime bien "soupirer d'aise", nous le faisons souvent), amusement (décidément...), béatitude (notre état le plus fréquent quand nous sommes ensemble, remarquons que BÉATS et ÉBATS sont des anagrammes révélateurs...), bien-être, blandices (blandices ! damnation ! encore un mot que j'ignore !), bonheur, charme (qui est magique, n'oublions pas), complaisance (me veux-tu complaisante ? pas toujours, j'imagine), contentement, délectation (ah ! j'aime délectation et toutes les... saveurs qu'il évoque), délices (aussi...), distraction, divertissement, ébats (et la boucle est bouclée), épicurisme, euphorie, félicité, gaieté, hédonisme, jeu, joie, jouissance (ce tryptique en J est admirable...), oaristys, passe-temps, récréation, régal (la racine me frappe soudain : le plaisir serait-il un repas de Rois ?), réjouissance, satisfaction, voir... VOLUPTÉ. Argh. Les mots sont un jeu sans fin.
Assouvissement, concupiscence, lascivité, libido, luxure, orgasme, sensualité (ceux-là sont plus explicites, et ne me déplaisent pas... J'aimerais bien, Amour, que ma *** *** ta ***…)
Je découvre un mot vieilli : Conjouissance... dont je devine le sens.

Bien...
Que nous ajoute donc VOLUPTÉ ?
(j'aime bien "volupté" d'ailleurs... je trouve ses sonorités... voluptueuses)
Peu de mots, sinon quelques termes anciens que j'ignorais : le délectable "chaffriolement", qui m'évoque quantité de ronronnements... et le mystérieux "donoiement".

Le Robert les ignore.
Par contre, je trouve :
BLANDICES : Ce qui flatte, séduit. "Toutes les blandices des sens et toutes les jouissances de l'âme" (Chateaubriand)

Cher René. Je signe. Ce programme me sied.

Damnation ! Le Littré aussi écarte (d'accord, j'ai choisi à dessein le verbe écarter…) "chaffriolement" et "donoiement".

Ah ! Le dictionnaire des "Mots sauvages" m'éclaire.
J'aime que "donoiement" soit un mot sauvage.
Anc. français. Désignait le plaisir procuré par une femme qui s'abandonne à son amant et par extension le plaisir. "Déjà ses lèvres au donoiement de bouche ont crépité." Tailhade.
"Chaffriolant" est aussi un mot sauvage, forcément.

Chaffriolons donc, et soyons sauvages.

Jeu, Joie et Jouissance.
Cela sonne comme une devise.

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah, quelle belle chose que les mots !
"Oaristys" : c'est superbe. Je retiens et j'essaierai de le replacer.
"Régal" : le lien avec la racine de "roi" serait séduisant, mais mon dictionnaire me dit que c'est un croisement entre l'ancien françois "rire" et l'ancien françois "gale", réjouissance (lui même de "re" + ancien françois "esjouir", donner de la joie).
Dans un autre ordre d'idée, et bien loin des notions de jouissance et de plaisir (quoique) je viens de découvrir, dans un recuiel de nouvelles, le mot "uxoricide" qui désigne le meurtre de l'épouse.
N'étant pas juriste, j'aurais peut-être moins d'occasion de l'employer, mais je trouve que ça sonne bien, non ?

Anonyme a dit…

Que c'est drôle, épicé, truculent, un vrai régal ! Merci ma Breda...
J'ai plaisir à découvrir Oaristys mais comme le mot ne me dit rien, me voici donc dans mes dictionnaires (ah! les dictionnaires!) : le Larousse m'explique qu'il s'agit d'une "conversation tendre; idylle" du grec "oarystus" ... Mouais. Il va sans dire qu'un suffixe en -us n'est pas grec. Passons. Direction dictionnaire grec, donc.
Aucun substantif ne vient rappeler ce fameux "oaristus". Par contre, à l'aide d'un peu de linguistique - "oa" sera sans doute devenu un "o" long - je trouve le verbe... "Oryomai" d'où pourrait très bien venir le nom "Oaristys" . En tout cas, c'est le plus proche. Et "Oryomai" veut dire... :

1. (pour les bêtes sauvages) pousser des cris sauvages; synonyme : hurler
2. (métaphore pour les êtres humains) hurler comme une bête sauvage ou sangloter sauvagement

L'Oaristys de nos dictionnaires serait-il une forme adoucie de ces sentiments animaux qui peuvent s'emparer de nous?

Alba a dit…

Merci à Sergio et Shaya pour ces éclairages étymologiques...
Je transmets l'origine possible d'Oaristys... Je suis sûre qu'elle lui plaira... A moi elle plaît, en tout cas...

Anonyme a dit…

OARISTYS, subst. fém.
Rare et littér. Idylle, entretien tendre. Ah! les oaristys! les premières maîtresses! L'or des cheveux, l'azur des yeux, la fleur des chairs, Et puis, parmi l'odeur des corps jeunes et chers, La spontanéité craintive des caresses! (VERLAINE, Poèmes saturn., 1866, p.62). Notre vie commune commençait de si bien s'arranger (...). Quand, par la suite, je racontai notre oaristys à Albert, je fus naïvement surpris de le voir, lui que je croyais d'esprit très libre, s'indigner d'un partage qui nous paraissait, à Paul et à moi, naturel (GIDE, Si le grain, 1924, p.568).
Prononc.: []. Étymol. et Hist. 1721 oariste (Trév.); 1794 oaristys (CHÉNIER, Bucoliques, p.125). Empr. au gr. «rencontre amoureuse», dér. de «parler, deviser tendrement», lui-même peut-être dér. de «femme, épouse».
(les caractères grecs placés entre les crochets ne passent pas ici ^^)
source : http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv4/showps.exe?p=combi.htm;java=no

Si ça peut compléter ;)

Alba a dit…

Merci, ma breda. J'aime que les enquêtes se prolongent et se partagent, passages de relais.

Anonyme a dit…

Je trouve ce texte... chaffriolant !!
Les ébats ronronnants, aiguisant et stimulant nos sens pour une étreinte pleine de charme et de plaisir, un mot qui est une promesse de jeu, de joie et de jouissance… Hmm ! Je suis tout-à-coup d’humeur féline. Et je lance la Ligue pour un Chaffriolement Ressourçant. Et d’ailleurs, je me sens moi-même tout ressourcé !