C'est un art, qui n'a rien de neuf.
Un art de cour et de courtoisie, un art qui ne s'enseigne peut-être pas mais qui s'apprend, et qui fut précieux au temps des Précieuses et des Protecteurs, où les nobliaux impécunieux et les apprentis séducteurs se divisaient en deux camps: ceux qui savaient "tourner un compliment" (comme on tourne les blancs pour les monter en neige périlleuse) et ceux qui ne savaient pas.
Et puis il y avait Cyrano, bien sûr, qui savait, ô combien, mais s'y refusait souvent, par la grâce d'un "Non merci" plein de panache.
Cyrano ne tournait de compliment que lorsque cela reflétait un sentiment vrai, que lorsqu'il parlait à Roxane.
C'est un art que j'aime et cultive, depuis des années, sur les fertiles terrains que sont certains de mes proches. Avec les mêmes limites que Cyrano : je suis trop raide, sans doute, pour complimenter ceux que je n'aime ni n'admire. Je peux les exagérer -- je ne peux pas mentir. Je peux les amplifier, les laisser se déployer en fleurs grandiloquentes aux couleurs insensées -- mais il faut que la graine en soit réelle.
C'est un art et c'est un jeu.
Mais dans cette fable je suis tout à la fois renard et corbeau: je n'en finis pas d'être sensible aux compliments, d'en rougir et d'en sourire, de m'y emmêler parfois, leurs rubans trop flatteurs luttant contre mes exigences de lucidité.
Parler donc ici et aujourd'hui de compliments reçus. En choisir trois, très différents.
D'abord celui de Maîtresse d'Ecole, sur ce blog: les plus simples, les plus sobrement formulés, me touchent toujours au coeur. Parce qu'ils sonnent si vrai. Et puis nul écrivain ne résiste à ceux-là qui vantent son écriture. Foin des généralisations hâtives! Moi, en tout cas, je n'y résiste pas. Merci, merci. Puissiez-vous lire ici le rouge de mes joues.
De la maîtresse à l'élève: les flatteries de ces derniers sont toujours ambiguës, à ne jamais prendre à la lettre. L'élève est malin et souvent flagorneur, et même quand ses compliments semblent sincères, ce sont des bulles de savon. A la prochaine remarque sévère, à la prochaine note décevante, à la prochaine sonnerie, il vous en voudra à nouveau. Des compliments d'élèves il n'en est qu'un que je garde au coeur. Sans doute parce que celui qui l'a formulé n'était plus mon élève, et sans doute aussi parce qu'il s'agissait d'un des plus beaux compliments jamais reçus. Beau non pas dans ses fioritures de style mais dans le sens qu'il portait, et que désire entendre tout pédagogue et tout adulte.
Et puis ?
Et puis Tentatrice du Dragon
Je puis donc faire ici la plus inconvenante des choses, déroger aux règles de bonne conduite, ne pas me contenter d'accepter d'un sourire et d'un signe de tête, je puis -- remercier pour un compliment.
A ces trois-là, à tous les autres, merci, merci, merci.
3 commentaires:
Tentatrice du Dragon ?
C'est beau comme nom, ça fait référence à quoi ?
Réponse en privé... ^^
Je tente de vivre à la hauteur de mes espérances. Je tente de mener chaque jour pour me retrouver à la hauteur des compliments que l'on me fait. Chacun d'eux semble être plus que ce que je suis réellement. Les compliments des gens autour de moi me semblent autant éxagérés que j'éxagére les miens.
Peut-être est-ce là le reméde à ce jeu de séduction et de complimentation que je joue sans cesse. Peut-être que le but du compliment est de réfléchir avant de le lancer à comment le prendra l'autre. Le but ultime du compliment c'est peut-être de savoir quel compliment envoyer pour que la personne visée le reçoive sans en douter. Pour que le compliment soit reçu avec la grace d'une goutte qui atterit dans une flaque d'eau et avec la dureté d'une pierre qui explose au sol...
Je ne suis pas un sage et je ne suis plus un adolescent. Je suis quelque part entre les deux mais je n'ai pas atteint mon but encore. Un jour peut-être serais-je ton égal...
Kisses~~
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