J'aime Noël. Pour toutes sortes de bonnes et mauvaises raisons. Ce n'est pas branché, d'aimer Noël, je sais bien. A Noël, les jeunes adultes égrènent leurs traumatismes familiaux, les jeunes cyniques moquent l'ambiance fleur bleue/rose bonbon, les jeunes anti-capitalistes conspuent le mercantilisme triomphant, les athées s'insurgent contre cet arrogant symbole religieux.
Et moi qui ne suis ni vraiment capitaliste ni vraiment catholique, j'aime toujours, j'ai toujours aimé, le temps de Noël.
J'aime les couleurs vives qui repeignent les villes, de rouge velours, de vert forêt, de blanc neigeux, d'or et d'argent. J'aime les étoiles qui émaillent les rues d'étranges constellations. J'aime les sourires des gens. J'aime qu'on s'y préoccupe soudain du cadeau qui va plaire, qui va toucher. J'aime qu'on s'y souvienne soudain de gens auxquels on n'a pas écrit de l'année, et se sente coupable, et prenne un peu de notre précieux temps pour le faire. J'aime entendre d'angéliques choeurs chanter l'amour pour les hommes de bonne volonté. J'aime rire et pleurer devant la Pastorale, du "mistral qui souffle à décorner les taureaux de Camargue" à l'Aveugle qui refuse son propre miracle, et déclare qu'il n'a pas désir de retrouver la vue, sauf à l'heure de sa mort, "quand ça vaudra vraiment la peine de voir"...
Je souris, chaque année, aux disputes bon enfant de Pistachié et de sa femme. Je pleure chaque année en écoutant le Berger.
J'aime cet Esprit qui descend sur les hommes, même si on y croit pas, simplement par la force de la collectivité. J'aime qu'on y donne plus volontiers aux mendiants. J'aime me souvenir des trêves spontanées de Noël dans les tranchées. J'aime l'espoir qui renaît sans raison. J'aime la naissance de l'année nouvelle, de l'illusion nouvelle d'un monde meilleur, envers et contre tout. J'aime que le Verbe se soit fait chair, j'aime que nos phrases faciles se fassent réelles aussi, au moins pour quelques semaines.
J'aime tout cela, malgré tout, et dans ce tout il y a tous ceux qui sont loin des villes illuminées, il y a toutes les guerres sans trêve, tous les foyers sans feu, il y a les hommes qui meurent de froid et les longues files devant les Restos du Coeur, il y a les 50 autres semaines de l'année.
Et malgré tout, j'aime Noël, et son Esprit n'en finit pas d'illuminer les yeux.
Seulement voilà: en rentrant chez moi, ce soir, dans les premières minutes de mes vacances, j'apprends qu'un élève a poignardé son enseignante.
Et les étoiles s'éteignent.
C'est tout bête, c'est moins grave que bien des événements, mais les étoiles s'éteignent. Pas parce que l'enseignante avait mon âge. Parce que le prétexte de l'élève, l'élément déclencheur était le refus d'enlever son blouson. Et tout enseignant ne peut qu'être pétrifié devant l'absolue banalité, l'absolu réalisme de la scène. Et moi-même ne puis que constater à quel point ce drame est révélateur. A quel point les élèves, surtout issus de milieux défavorisés, en sont venus à considérer la plupart de leurs enseignants comme "l'ennemi". Cette rupture-là, ce point de non-retour, ce renversement des rôles — je n'arrive pas à en identifier clairement l'origine. L'erreur monumentale qui nous a menés là.
Et l'esprit de Noël se prend une sacrée gifle, une sale, crade, sanglante. Une dont on n'est pas sûr de se relever.
7 commentaires:
Rectification, aux infos suivantes : l'enseignante, entre temps, a vieilli d'un an, et l'élément déclencheur aussi -- une remontrance à la mère lors de la remise des bulletins. Mais cela ne change rien au constat ci-dessus.
Pour te remonter un peu le moral, le dernier couplet+refrain du Noël Provençal :
Dans l'étable de bois blanc
Il est là le divin Enfant
Entre le bœuf au poil roux
Et le petit âne à l'œil doux
Et l'enfant
Vagissant
Murmure en dormant :
"Les jaloux
Sont des fous
Humains, aimez-vous
Mais, au matin
Joyeux Noël prend fin
Alors les petits santons
Regagnent la boite en carton
Naïvement
Dévotement
Ils dormiront
Dans du coton
En rêvant
Du doux chant
Noël, joyeux Noël,
Noël joyeux de la Provence.
Bisous
ta Breda
Merci... J'adorais cette chanson quand j'étais petite, et là, je l'ai fredonnée en te lisant...
c'est également une de mes chansons de Noël préférée, avec "Trois anges sont venus ce soir" :)
Je partage completement votre sentiment .
Hop un petit post pour valider le lien vers mon blog. Très jolies les photos sur le blog de Jean, au passage. Faudra que j'aille y déposer un petit commentaire à l'occasion ;o)
Merci pour votre si gentil mot .
Je vous souhaite pour ce soir un réveillon de rêve , entourée de l'affection de ceux que vous aimez .
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