dimanche 4 décembre 2005

PORTRAIT CHINOIS (FIN) : SI J'ÉTAIS TOUT LE RESTE...

Si j'étais un élément, je serais l'air: indépendant, porté à l'abstraction, aux grandes envolées, soucieux d'esprit, d'âme, plus que des réalités physiques, d'évolution plutôt que d'enracinement. Et "quand le vent souffle, je ne suis amoureuse que de lui."

Si j'étais une couleur, je serais le bleu, pas seulement à cause de ma breda, pas seulement à cause de mes yeux qui sont aussi ceux d'Atmeh. Aussi parce que j'ai écrit un jour que tout ce qui importait, la mer le ciel l'encre et nos veines, était bleu. Que ce fût un texte vampirique ne change rien, sinon que par nos veines j'entendais notre amour. L'amour est donc bleu, et pas rouge, comme on le croit souvent, et pas rose non plus.

Si j'étais une légende, je serais peut-être celle d'Ariane, que j'ai beaucoup aimé réécrire. Ariane qui aima et trahit, qui sacrifia peut-être absurdement, qui chemina d'appolinien à dionysiaque, qui devint finalement étoile et phare.

Si j'étais une arme, je ne serais pas une plume, mais une épée, je n'ai jamais réussi à aimer ni estimer une autre arme que celle-ci, honorable, ancienne, absurde, brillante, maîtrisée, dansée presque, presque symbolique. La stupide folie du cher Hugo: "J'aurais été soldat si je n'étais poète."

Si j'étais une terre ou un pays, je serais l'Ecosse, que je porte au coeur, que je ne puis dire en quelques lignes, il faudrait un livre, il faudrait toute une vie, pour cette terre où se mêlent les royaumes, où se reflète l'autre monde, où le soleil se couche sur la vieille Europe.

Si j'étais un vêtement, je serais un corset de velours: rigide et soucieux de contrôle et de paraître, pas un vêtement facile, un vêtement de représentation. A quoi d'autre pourrait servir un vêtement? Il lui faut être tout en même temps armure, arme et parure.

Si j'étais une devise, je serais Aimer les ténèbres tout en combattant pour la lumière. Sans commentaire.

Si j'étais une fleur, je ne serais pas originale. Une rose blanche.
Si j'étais un climat, je serais océanique.
Si j'étais une sculpture, je serais une de celles de Goldsworthy, une de celles qui ont à voir avec le vent et les portes,
mais si j'étais un tableau, je serais beaucoup plus classique et terre à terre, l'Autumn Leaves de Millais.
Si j'étais une boisson, je serais le thé, avec toutes ses britanniques connotations.
Si j'étais une planète, je serais lointaine, une de celles que j'ai créées (Al-Avir?), ou que des écrivains ont rêvées (Ténébreuse?), ou qui se sont abîmées dans une guerre d'étoiles (Alderaan?)
Et si j'étais un véhicule, je serais une navette d'exploration spatiale,
et si j'étais un métier, je pourrais bien être astrophysicienne, et vraiment les étoiles ont toujours eu mon amour, un amour ancien et profond et intense et polymorphe.
Mais si j'étais une drogue je serais la morphine, comme toi
et comme toi si j'étais un sentiment je serais celui de l'exil.

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