1. RING
Elle avait six ans quand elle a vu la Fée. Là, dans le
cercle de pierres, en revenant de l’école. Elle n’a pas eu peur. Elle s’est
arrêtée. La Fée a souri. Puis la brume, et plus rien.
Ce n’était pas grave. Elle passait par là chaque jour. La
Fée reviendrait, elle la reverrait. Chaque matin, chaque soir, elle s’est
arrêtée pour regarder. Elle a souri, appelé, dansé, chanté ; elle s’est
assise en silence. ; elle a fermé, écarquillé les yeux. Elle ne savait pas
trop ce qui plaisait à la Fée.
Elle n’en a pas parlé à ses parents, mais à sa meilleure
amie, oui.
Elle avait dix ans quand on s’est moqué d’elle pour la
première fois.
Elle n’en a plus parlé. Elle n’a plus eu de meilleure amie.
Elle n’en a pas parlé à son mari, non plus. Elle aurait voulu en parler à ses
enfants. Mais, mais. Elle ne sait plus, elle n’ose plus. Et s’ils ne la
croyaient pas, eux non plus. Ou s’ils la croyaient, et qu’on se moque d’eux.
Elle n’a rien dit.
Les enfants sont grands maintenant, ils sont loin. Ils
voudraient qu’elle vienne vivre en ville, près d’eux, qu’elle ne reste pas
seule dans ce trou perdu. Elle voudrait leur dire qu’elle n’est pas vraiment
seule, mais ce serait pire, sûrement.
Est-ce que la Fée la reconnaîtrait ? La fillette de six
ans qui dansait dans l’herbe et parlait à la brume a changé de corps et de
visage. Pourquoi se poser cette question-là, quand la seule qui compte, et sa
réponse, sont évidentes. Mais chaque jour où elle ne passe pas dans le cercle
de pierres, son cœur se serre d’angoisse. Il y a soixante ans qu’elle a vu la
Fée. Mais si c’était aujourd’hui qu’elle revenait ?
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