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dimanche 15 mars 2009

10 LIVRES… (2)

Enfant, j'engloutissais tous les livres que je pouvais trouver.
La littérature jeunesse (à qui on ne donnait pas même ce nom) était moins diversifiée qu'à présent.
On m'achetait, bien sûr, des dizaines de livres de la "bibliothèque rose" puis de la "bibliothèque verte". Je lisais aussi les livres d'enfants de mes parents, dans la vieille collection "Rouge & or". Je me souviens de ces derniers bien mieux que des livres achetés pour moi. Je les ai lus et relus. Un surtout.

Frances H. Burnett, Petite Princesse.

Il est toujours dans ma bibliothèque et porte sur la page de garde le nom d'enfance de ma mère. Elle en avait gardé peu de souvenirs. Peu importe : les livres sont patients. Ils peuvent attendre, passer de main en main, de génération en génération, jusqu'au lecteur qui les attendait aussi, qui les reconnaîtra.
C'est un livre que j'ai reconnu et que je reconnais toujours.
Un livre qui m'a formée.
Il s'est écoulé tant d'années que je ne sais plus si je ressemblais déjà à Sara, à l'époque, ou si c'est le livre qui m'a amenée à lui ressembler.
Je lui ressemble toujours. J'en garde au coeur des leçons chères, précieuses, centrales.

Etre princesse, ce n'est pas seulement une question de naissance. Parfois même pas du tout.
C'est une question de dignité, de discipline mentale et morale, une question d'honneur, de générosité — oserais-je dire de vertu?
Etre princesse, c'est un travail permanent et un devoir. Garder les yeux ouverts, protéger les plus faibles, redresser ceux qui tombent, consoler ceux qui pleurent.
Une lucidité exigeante face aux gifles du monde, à l'incompréhension, à la jalousie. Et surtout face à nos propres défauts, face aux tentations de la vanité, de la colère, de l'égoïsme.
Et la récompense n'est qu'en nous.
Dans le sourire intérieur que nous pouvons opposer au malheur, parce que nous savons. Parce que nous détenons ce secret-là. La certitude de notre identité, la force de notre dignité.

Mais Sara a d'autres secrets et d'autres traits qui me ressemblent.
Elle est conteuse. Elle a le goût de l'Histoire et des histoires, de la lecture à haute voix, du récit fabuleux, jusqu'à créer parfois une autre réalité.
Rien de fantastique dans le roman de Burnett. La magie de l'imagination est celle dont peuvent user tous les grands lecteurs, tous les grands conteurs, tous les grands rêveurs. Celle que décrit Karen Blixen dans une phrase que j'ai baucoup citée et qui continue de me hanter : « Je suis conteuse. J’appartiens à une tribu de gens oisifs qui, depuis des millénaires, sont assis parmi les gens honnêtes et laborieux, les gens du réel, et qui parfois parviennent à créer pour eux une autre réalité.»
Un pouvoir qui ne vous abandonne jamais, qui peut réchauffer parfois, par miracle, la plus froide mansarde et le plus grand malheur.
Qui ne changera peut-être pas le monde, mais qui pourrait bien changer notre vie et apporter, peut-être, quelque lumière aux vies qui nous entourent.