Il fut un temps où Noël durait douze jours. Douze jours de fête et de rites, hors du monde, douze jours de neige, d'étoiles et de feux, douze jours (un peu plus, nous sommes des Tricheurs) dans un havre à l'écart du monde et de tous les Réseaux.
Je reviens donc au monde, au travail, à vous.
Que cette page devienne carte de voeux géante. Carte du ciel, carte du tendre, constellations d'affections et d'espoirs.
A mes Amies.
A Nathalie et Lucie, Renaissance et Lumière.
A Nathalie. Que cette Nativité soit la sienne, encore et toujours, qu'elle ait beaucoup plus de Neuf Vies. Que les Lumières qui brillent en hiver se souviennent qu'elle est des leurs, et la fassent rayonner. Que tous voient cette lumière.
A Lucie. Que le monde lui rende la pareille. Avec la même bonté, la même énergie, le même espoir. Que le monde lui rende tous les sourires qu'elle a offerts.
A Hélène, qui vient de me rappeler à d'anciens paris, d'anciens serments, d'anciens liens. Encore une naissance, encore une lumière.
A Elriel, forcément, que je n'ai pas oubliée, à qui je pense chaque Noël, pour le plus grand des miracles d'hiver.
A Shaya, que j'ai manquée encore, qui réveillonnait au soleil du Sud, loin de mes frimas. C'est aussi un temps de rendez-vous manqués, de rendez-vous promis.
Au Gabian, pour un autre rendez-vous manqué, et les sortilèges de la distance qui parfois rapprochent les esprits.
A Lisou, qui était là, et ne lit pas ce blog, pour lui redire en secret combien j'ai aimé leur présence au tournant de l'année, et combien ses compliments me touchent. Pour rougir.
A mes Amis.
A ceux avec qui j'ai passé maints réveillons, avant le Temps des Grands Exodes.
A Fabrice, à Julien, à Nico, à Rémy.
Toujours.
Je n'oublie pas.
Des liens même dissous quelque chose demeure, impalpable, innommable, un réseau qui n'est pas celui que j'arpente ici.
A Fredou, aux Poètes, aux Créateurs de Monde.
A Kerglas.
A tous les autres avec qui j'ai joué d'un côté du miroir ou de l'autre.
A mes Ambriens.
Le temps était trop précieux, l'air trop cristallin, l'instant trop miraculeux pour que je ne pense pas à Ambre, à vous, à ce que nous en avons fait ensemble, à ce que nous en ferons peut-être tandis que l'univers se précipite vers sa fin.
A Edgar, à Emrys, à Fenis, à Jemtrid, à Jorune. A tous les autres qui vivent en moi et en vous.
A leurs joueurs, éparpillés dans une autre bizarre cartographie, taches de couleur projetées sur une carte d'Europe.
Aux fidèles !
Aux infidèles !
Aux Elèves.
A ceux qui restent et qui finalement ne sont pas ceux que j'ai choisis, élus, honteux favoritismes, mais ceux qui ont choisi de lancer de tels fils, de déposer leur étoile sur la carte.
A ceux qui passent leur bac, à ceux qui naviguent dans les eaux troubles au-delà.
A Arnaud, à Alexandra, à Thomas, à Oona, à Eloïse.
A tous les autres.
A tous les autres.
Ceux que j'oublie, ceux que je néglige, ceux à qui je manque, ceux qui me manquent, ceux que je tais.
Naissances, Lumières, Liens.
Revenons au monde.
Renouons au monde.
dimanche 4 janvier 2009
samedi 13 décembre 2008
BEWITCHING CHRISTMAS
Il faudrait un mot pour ces inventions à mi-chemin entre l'idée et le rêve, émergées du sommeil (et parfois aussi de la Migralgine): idream, en anglais ? en français, oniridée? Je ne sais pas, mais l'appel à mots est lancé.
Entre état grippal, mois de décembre, relecture des Harry Potter et visite chez Schilliger ce livre a donc surgi dans mes pensées.
L'édition 2008 du best-seller sans cesse remis à jour BEWITCHING CHRISTMAS, astuces et sortilèges pour les plus beaux Noëls sorciers !
On y trouverait tout :
…des calendriers de l'Avent: un tour d'horizon du marché, depuis les classiques ("Bertie Crochue et les 24 saveurs de Noël"; les calendriers Chocogrenouilles où l'on trouve toujours Merlin ou Dumbledore pour le 24 décembre car ce sont les seuls à accepter de se déguiser en Père Noël…) jusqu'aux contestés Avents Divinatoires réalisés à partir du thème astral de votre enfant par Madame T…, voyante extralucide, en passant par les nouveaux Calendriers Surprises de chez Weasleys' Wizard Wheezes (et des solutions exclusives fournies par George Weasley lui-même en cas de débordement intempestif de certains sortilèges…). Tout pour réaliser des calendriers "maison" et bien sûr les indispensables Charmes Calendaires et autres Sortilèges de Limitation de Date pour empêcher les petits curieux ou gourmands d'ouvrir toutes les fenêtres dès le 1er décembre…
…des astuces pour la plus féerique des décorations de Noël: les meilleures conjurations de tapis de neige (qui ne mouille pas, ne fond pas, ne crisse pas avec un bruit de plastique), les enchantements de Flocons, de Givre Magique pour vos fenêtres, de stalactites cristallines pour votre sapin; les conseils des meilleurs Botanistes pour choisir votre sapin, l'enchanter sans nuire à sa croissance, et le transplanter aisément dans votre salon (puis hors de votre salon après les fêtes !); comment remettre à neuf les décorations des années précédentes (et comment vérifier l'état des sortilèges pour les accessoires enchantés: n'oubliez pas qu'un sortilège ayant dépassé la date de péremption peut se révéler extrêmement dangereux); comment utiliser des Fées pour vos décorations de Noël (sans occasionner de blessure physique, psychologique et morale aux dites Fées, conformément à la législation, chapitre validé par la Société de Protection des Créatures Magiques)… Nouveau cette année: des idées de Noëls aux couleurs de votre maison de Poudlard favorite!
…les plus extraordinaires des lumières magiques: Chandelles Flottantes, Lucioles apprivoisées, Voies Lactées domestiques, Etoiles des Neiges, Guirlandes Stellaires, les plus performants des enchantements Multicolores, y compris des assortis automatiques pour les sorciers daltoniens. Ce chapitre inclut les dernières avancées en matière de Sortilèges Gèle-Flammes, des solutions adaptées aux environnements les plus inflammables et à la présence de très jeunes sorcier(e)s…
…et bien d'autres choses: les derniers sortilèges de Chaussons Sans Fond pour caser tous les cadeaux dans chaque paire de souliers (et les sorts de secours pour récupérer objets ou sorciers qui y seraient tombés par mégarde); les Pièges à Cheminée de Weasleys' Wizard Wheezes qui ont déclenché l'an dernier une telle polémique; les meilleurs moyens d'enchanter le Gui pour inciter au baiser les sorciers et sorcières qui passeront dessous (avec un démenti officiel des Botanistes de l'Académie: non, le Gui n'est pas infesté de Nargoles, c'est un végétal sain et sans danger qui peut être suspendu dans toute maison de sorciers); les meilleurs enchantements musicaux de christmas carols (y compris le fameux Swing Zap' : transformez les poncifs de Celestina Moldubec en tubes rock n'roll)…
Les familles les plus traditionalistes se réjouiront de retrouver la célèbre Mesure à Enfants Sages qui permet de déterminer combien de cadeaux méritent réellement vos bambins.
…et bien sûr de nouvelles recettes de fête pour votre réveillon, ainsi que les meilleures Potions anti-gueule de bois et indigestions pour les lendemains difficiles…
Disponible dans toutes les bonnes librairies !
Chez Fleury et Bott, pour chaque exemplaire acheté de l'édition 2008 de BEWITCHING CHRISTMAS vous sera offert un rouleau de papier cadeau auto-pliant de la couleur de votre choix.
Entre état grippal, mois de décembre, relecture des Harry Potter et visite chez Schilliger ce livre a donc surgi dans mes pensées.
L'édition 2008 du best-seller sans cesse remis à jour BEWITCHING CHRISTMAS, astuces et sortilèges pour les plus beaux Noëls sorciers !
On y trouverait tout :
…des calendriers de l'Avent: un tour d'horizon du marché, depuis les classiques ("Bertie Crochue et les 24 saveurs de Noël"; les calendriers Chocogrenouilles où l'on trouve toujours Merlin ou Dumbledore pour le 24 décembre car ce sont les seuls à accepter de se déguiser en Père Noël…) jusqu'aux contestés Avents Divinatoires réalisés à partir du thème astral de votre enfant par Madame T…, voyante extralucide, en passant par les nouveaux Calendriers Surprises de chez Weasleys' Wizard Wheezes (et des solutions exclusives fournies par George Weasley lui-même en cas de débordement intempestif de certains sortilèges…). Tout pour réaliser des calendriers "maison" et bien sûr les indispensables Charmes Calendaires et autres Sortilèges de Limitation de Date pour empêcher les petits curieux ou gourmands d'ouvrir toutes les fenêtres dès le 1er décembre…
…des astuces pour la plus féerique des décorations de Noël: les meilleures conjurations de tapis de neige (qui ne mouille pas, ne fond pas, ne crisse pas avec un bruit de plastique), les enchantements de Flocons, de Givre Magique pour vos fenêtres, de stalactites cristallines pour votre sapin; les conseils des meilleurs Botanistes pour choisir votre sapin, l'enchanter sans nuire à sa croissance, et le transplanter aisément dans votre salon (puis hors de votre salon après les fêtes !); comment remettre à neuf les décorations des années précédentes (et comment vérifier l'état des sortilèges pour les accessoires enchantés: n'oubliez pas qu'un sortilège ayant dépassé la date de péremption peut se révéler extrêmement dangereux); comment utiliser des Fées pour vos décorations de Noël (sans occasionner de blessure physique, psychologique et morale aux dites Fées, conformément à la législation, chapitre validé par la Société de Protection des Créatures Magiques)… Nouveau cette année: des idées de Noëls aux couleurs de votre maison de Poudlard favorite!
…les plus extraordinaires des lumières magiques: Chandelles Flottantes, Lucioles apprivoisées, Voies Lactées domestiques, Etoiles des Neiges, Guirlandes Stellaires, les plus performants des enchantements Multicolores, y compris des assortis automatiques pour les sorciers daltoniens. Ce chapitre inclut les dernières avancées en matière de Sortilèges Gèle-Flammes, des solutions adaptées aux environnements les plus inflammables et à la présence de très jeunes sorcier(e)s…
…et bien d'autres choses: les derniers sortilèges de Chaussons Sans Fond pour caser tous les cadeaux dans chaque paire de souliers (et les sorts de secours pour récupérer objets ou sorciers qui y seraient tombés par mégarde); les Pièges à Cheminée de Weasleys' Wizard Wheezes qui ont déclenché l'an dernier une telle polémique; les meilleurs moyens d'enchanter le Gui pour inciter au baiser les sorciers et sorcières qui passeront dessous (avec un démenti officiel des Botanistes de l'Académie: non, le Gui n'est pas infesté de Nargoles, c'est un végétal sain et sans danger qui peut être suspendu dans toute maison de sorciers); les meilleurs enchantements musicaux de christmas carols (y compris le fameux Swing Zap' : transformez les poncifs de Celestina Moldubec en tubes rock n'roll)…
Les familles les plus traditionalistes se réjouiront de retrouver la célèbre Mesure à Enfants Sages qui permet de déterminer combien de cadeaux méritent réellement vos bambins.
…et bien sûr de nouvelles recettes de fête pour votre réveillon, ainsi que les meilleures Potions anti-gueule de bois et indigestions pour les lendemains difficiles…
Disponible dans toutes les bonnes librairies !
Chez Fleury et Bott, pour chaque exemplaire acheté de l'édition 2008 de BEWITCHING CHRISTMAS vous sera offert un rouleau de papier cadeau auto-pliant de la couleur de votre choix.
lundi 8 décembre 2008
LE PAYS OU JE VIS (1)
(Pour ma Filleule, qui se demande où habite sa Marraine)
Le Pays où je vis, depuis près de deux ans, est une drôle de terre. Une frontière, comme je les aime. C'est un pays coincé entre deux pays — deux vrais pays, ceux qui sont sur les cartes et ont droit à une couleur sur les planisphères.
La Pays où je vis appartient à la France, officiellement. Mais si les frontières étaient géographiques, il ne le serait pas. Il est séparé de la France par la plus solide des frontières: une chaîne de montagnes.
Le pays où je vis est coincé entre le Jura, les Alpes et le Léman. Il est tellement plus proche de la Suisse que les Français ont essayé de le vendre aux Genevois, il y a longtemps, pour quelques francs symboliques. Genève a refusé avec horreur: si elle l'avait englobé, elle aurait basculé entre les bras des Infâmes Papistes, et se serait retrouvée à majorité catholique. Inacceptable, vraiment.
Il est donc resté français, mais il est beaucoup plus rapide de s'y rendre à Genève que dans n'importe quelle ville française (y compris sa préfecture). D'ailleurs, beaucoup de choses y sont suisses (les loyers, par exemple, et les plaques d'immatriculation d'une voiture sur deux).
C'est tout de même une frontière: il y a des douanes partout, sans quoi on pourrait passer la frontière sans s'en apercevoir (cela arrive même sur les terrains de sport du lycée). C'est plutôt amusant, les douanes, avec les chicanes et les drôles de petites maisons étroites et hautes, des maisons de garde-barrières. Ce qui est moins amusant, ce sont les douaniers. Heureusement, beaucoup de douanes sont "volantes". Ce qui ne veut pas dire qu'elles gardent les airs et régulent la circulation des tapis volants, mais tout simplement qu'elles sont privées de douaniers. Enfin, presque toujours. Parfois ils y déboulent en catimini, en motos. Mais pas en motos volantes, dommage. Heureusement aussi, les douaniers n'arrêtent jamais les jeunes femmes aux yeux bleus. Quand je passe la douane, je baisse ma vitre, j'ôte mes lunettes de soleil, et je souris.
C'est un drôle de pays, qui se prend un peu au sérieux. Il y a de quoi: de mes fenêtres, je vois le Jura d'un côté, et de l'autre, le plus haut sommet d'Europe et le plus grand lac d'Europe (autant faire d'une pierre deux coups). De l'autre côté du Lac, c'est encore la France: la frontière a un dessin très compliqué. Mais les gens qui habitent là-bas sont méprisés de tous, des Suisses et des habitants de mon Pays. Fi, ce sont les pires étrangers!
Toutes les villes et tous les villages ont un nom qui se termine en -X ou en -Y. Sûrement parce que ce sont les lettres les plus chères. Pour tendre des pièges aux étrangers, on ne prononce pas les -X. Pour raffiner le piège, on en prononce tout de même un, celui de la ville qui donne son nom au Pays.
Il y a toutes sortes de pièges, d'ailleurs. Les nombres sont aussi compliqués à épeler que les toponymes locaux. Dans les magasins, on vous propose gentiment un cornet.
Toutes les villes prétendent au titre de Ville-Porte.
Il faut croire qu'on ne sait plus trop où se situe la porte, à force de longer des frontières.
On ne sait pas non plus sur quoi elle ouvre.
Le Pays que j'habite est souvent enfoui sous les Brumes. Il faut grimper sur les montagnes pour en émerger, et contempler d'en haut cette mer de nuages à la Caspar David Friedrich.
Il est peut-être dans l'Autre Monde.
Il en serait bien capable.
Je traverse la Porte chaque jour.
Le Pays où je vis, depuis près de deux ans, est une drôle de terre. Une frontière, comme je les aime. C'est un pays coincé entre deux pays — deux vrais pays, ceux qui sont sur les cartes et ont droit à une couleur sur les planisphères.
La Pays où je vis appartient à la France, officiellement. Mais si les frontières étaient géographiques, il ne le serait pas. Il est séparé de la France par la plus solide des frontières: une chaîne de montagnes.
Le pays où je vis est coincé entre le Jura, les Alpes et le Léman. Il est tellement plus proche de la Suisse que les Français ont essayé de le vendre aux Genevois, il y a longtemps, pour quelques francs symboliques. Genève a refusé avec horreur: si elle l'avait englobé, elle aurait basculé entre les bras des Infâmes Papistes, et se serait retrouvée à majorité catholique. Inacceptable, vraiment.
Il est donc resté français, mais il est beaucoup plus rapide de s'y rendre à Genève que dans n'importe quelle ville française (y compris sa préfecture). D'ailleurs, beaucoup de choses y sont suisses (les loyers, par exemple, et les plaques d'immatriculation d'une voiture sur deux).
C'est tout de même une frontière: il y a des douanes partout, sans quoi on pourrait passer la frontière sans s'en apercevoir (cela arrive même sur les terrains de sport du lycée). C'est plutôt amusant, les douanes, avec les chicanes et les drôles de petites maisons étroites et hautes, des maisons de garde-barrières. Ce qui est moins amusant, ce sont les douaniers. Heureusement, beaucoup de douanes sont "volantes". Ce qui ne veut pas dire qu'elles gardent les airs et régulent la circulation des tapis volants, mais tout simplement qu'elles sont privées de douaniers. Enfin, presque toujours. Parfois ils y déboulent en catimini, en motos. Mais pas en motos volantes, dommage. Heureusement aussi, les douaniers n'arrêtent jamais les jeunes femmes aux yeux bleus. Quand je passe la douane, je baisse ma vitre, j'ôte mes lunettes de soleil, et je souris.
C'est un drôle de pays, qui se prend un peu au sérieux. Il y a de quoi: de mes fenêtres, je vois le Jura d'un côté, et de l'autre, le plus haut sommet d'Europe et le plus grand lac d'Europe (autant faire d'une pierre deux coups). De l'autre côté du Lac, c'est encore la France: la frontière a un dessin très compliqué. Mais les gens qui habitent là-bas sont méprisés de tous, des Suisses et des habitants de mon Pays. Fi, ce sont les pires étrangers!
Toutes les villes et tous les villages ont un nom qui se termine en -X ou en -Y. Sûrement parce que ce sont les lettres les plus chères. Pour tendre des pièges aux étrangers, on ne prononce pas les -X. Pour raffiner le piège, on en prononce tout de même un, celui de la ville qui donne son nom au Pays.
Il y a toutes sortes de pièges, d'ailleurs. Les nombres sont aussi compliqués à épeler que les toponymes locaux. Dans les magasins, on vous propose gentiment un cornet.
Toutes les villes prétendent au titre de Ville-Porte.
Il faut croire qu'on ne sait plus trop où se situe la porte, à force de longer des frontières.
On ne sait pas non plus sur quoi elle ouvre.
Le Pays que j'habite est souvent enfoui sous les Brumes. Il faut grimper sur les montagnes pour en émerger, et contempler d'en haut cette mer de nuages à la Caspar David Friedrich.
Il est peut-être dans l'Autre Monde.
Il en serait bien capable.
Je traverse la Porte chaque jour.
Libellés :
brouillard,
Genève,
Jura,
mondes,
pays de Gex,
portes,
Suisse
samedi 1 novembre 2008
SAISONS
Je viens d'une ville au Sud.
Je viens d'un pays où les saisons ne sont que des dates dans un calendrier, où il ne reste d'elles que quelques jalons, quelques platanes qui perdent leurs feuilles, quelques fêtes, quelques changements de tenue.
Alors que les saisons sont rythmes, cycles — couleurs, surtout.
Les saisons sont couleurs, comme sur les images des livres d'enfants, comme sur ce puzzle que j'aimais tant, le même village passant de mois en mois, se métamorphosant, se parant de teintes nouvelles, de codes nouveaux.
Les saisons font le monde métamorphe.
A présent, je le vois.
L'explosion jaune des prés de jonquilles au printemps.
L'explosion d'or et de sang, de flamme et de pelages roux, des forêts de feuillus à l'automne.
Si violentes et si fugaces, des moments à saisir, vous passez une semaine trop tôt, une semaine trop tard, et c'est prdu, vous ne les verrez pas cette fois, repassez dans un an.
Le miracle plus durable de blanc et de cristal, le miracle narnien des sapins alourdis par la neige, éclairés de stalactites, des lacs gelés, des souffles suspendus dans l'air glacé.
A présent, je le vois.
A présent je peux mesurer le temps ainsi — le temps des perce-neiges et celui des jonquilles, le temps des moissons et celui du regain, le temps des premières neiges, la valse hésitante que se livrent l'automne et l'hiver, à savoir qui prendra le pas sur l'autre, que se livrent à nouveau l'hiver et le printemps. Les saisons d'équinoxes n'ont pas la tâche facile. Leurs soeurs n'en finissent pas de leur voler la vedette, de déborder dans leur lit, d'envahir leur territoire, d'été indien en hiver précoce.
Mais elles ont les couleurs. Les plus chaudes, les plus éclatantes. Elles ont la lumière et le charme des beautés éphémères.
Ne croyez pas que les frontières des saisons ne soient que calendaires.
Elles sont aussi géographiques.
L'espace et le temps s'emmêlent, au pays où je vis, et il nous arrive souvent d'aller passer le week-end dans une autre saison.
Il suffit de monter en voiture, de prendre le chemin du Col de la Faucille. De monter.
Petit à petit nous changeons de royaume.
Les arbres sont de moins en moins verts. Les feuilles se teintent de roux, se couvrent de sang séché, les reliefs craquants de l'automne envahissent la route.
Et nous montons.
Les feuilles tombent des arbres. L'air se fait plus froid, commence à voltiger devant nous, en flocons. Bientôt les champs seront blancs et les chalets se réfugieront sous les sapins. Bientôt nous serons en Hiver.
Et le lendemain, nous redescendrons, ferons le chemin à l'envers, passerons à nouveau la frontière des brumes, jusqu'à la plaine où s'achève l'été.
Car il en est ainsi, au pays où je vis,
où se sont réfugiées les saisons.
Je viens d'un pays où les saisons ne sont que des dates dans un calendrier, où il ne reste d'elles que quelques jalons, quelques platanes qui perdent leurs feuilles, quelques fêtes, quelques changements de tenue.
Alors que les saisons sont rythmes, cycles — couleurs, surtout.
Les saisons sont couleurs, comme sur les images des livres d'enfants, comme sur ce puzzle que j'aimais tant, le même village passant de mois en mois, se métamorphosant, se parant de teintes nouvelles, de codes nouveaux.
Les saisons font le monde métamorphe.
A présent, je le vois.
L'explosion jaune des prés de jonquilles au printemps.
L'explosion d'or et de sang, de flamme et de pelages roux, des forêts de feuillus à l'automne.
Si violentes et si fugaces, des moments à saisir, vous passez une semaine trop tôt, une semaine trop tard, et c'est prdu, vous ne les verrez pas cette fois, repassez dans un an.
Le miracle plus durable de blanc et de cristal, le miracle narnien des sapins alourdis par la neige, éclairés de stalactites, des lacs gelés, des souffles suspendus dans l'air glacé.
A présent, je le vois.
A présent je peux mesurer le temps ainsi — le temps des perce-neiges et celui des jonquilles, le temps des moissons et celui du regain, le temps des premières neiges, la valse hésitante que se livrent l'automne et l'hiver, à savoir qui prendra le pas sur l'autre, que se livrent à nouveau l'hiver et le printemps. Les saisons d'équinoxes n'ont pas la tâche facile. Leurs soeurs n'en finissent pas de leur voler la vedette, de déborder dans leur lit, d'envahir leur territoire, d'été indien en hiver précoce.
Mais elles ont les couleurs. Les plus chaudes, les plus éclatantes. Elles ont la lumière et le charme des beautés éphémères.
Ne croyez pas que les frontières des saisons ne soient que calendaires.
Elles sont aussi géographiques.
L'espace et le temps s'emmêlent, au pays où je vis, et il nous arrive souvent d'aller passer le week-end dans une autre saison.
Il suffit de monter en voiture, de prendre le chemin du Col de la Faucille. De monter.
Petit à petit nous changeons de royaume.
Les arbres sont de moins en moins verts. Les feuilles se teintent de roux, se couvrent de sang séché, les reliefs craquants de l'automne envahissent la route.
Et nous montons.
Les feuilles tombent des arbres. L'air se fait plus froid, commence à voltiger devant nous, en flocons. Bientôt les champs seront blancs et les chalets se réfugieront sous les sapins. Bientôt nous serons en Hiver.
Et le lendemain, nous redescendrons, ferons le chemin à l'envers, passerons à nouveau la frontière des brumes, jusqu'à la plaine où s'achève l'été.
Car il en est ainsi, au pays où je vis,
où se sont réfugiées les saisons.
Libellés :
automne,
brouillard,
été,
frontières,
hiver,
Jura,
mondes,
pays de Gex,
printemps
jeudi 30 octobre 2008
RETOUR EN MUSIQUE
Il y a longtemps.
Trop longtemps.
Le trop long temps du manque, de l'absence, de la nostalgie, de l'enfouissement sous le travail.
Le trop long temps du sable qui glisse entre vos doigts.
Trop longtemps et tant à dire.
Alors je commence par répondre à un défi impossible, celui de Lucie :
- Choisir 5 chansons qui vous ressemblent et dire pourquoi
- Faire une petite playlist avec
- Rajouter en sixième position "The Song", celle que vous aimez d’amour, plus jamais vous ne pourrez vivre sans
- Et taguer 5 personnes de votre choix.
Bien sûr, c'est un de ces jeux où tout le monde triche, où la tricherie est inscrite dans la règle du jeu.
Parce que personne ne peut se limiter à choisir cinq, ni six, chansons.
Parce que la musique est l'art volatil, l'art changeant, l'art du temps qui fuit entre nos doigts, justement.
Parce que l'autoportrait, même musical, même chinois, est toujours faussé.
J'ai donc choisi cinq chansons qui me parlent d'amour, qui parlent de mes amours.
Parce que c'est un des grands rôles, une des grandes magies de la musique. Pas un cliché, non, beaucoup plus que cela. Tous les amoureux se retrouvent en chansons.
Et parce que c'est, tout compte fait, une belle façon de se définir :
Je suis ceux que j'aime.
Qu'il en soit ainsi.
Même si pour chacun d'entre eux j'aurais pu choisir dix autres chansons.
Pour M., mon Amour, mon Fou, ma Joie, l'homme qui partage ma vie : "Good Fortune" de P.J. Harvey.
Au tout début, dans les remous et les ténèbres, dans le froid de l'éloignement, il m'envoyait des chansons, comme font tous les Amoureux, et nous nous raccrochions au fil de ces notes lancées à travers l'abîme.
Celle-ci, parce qu'il est vraiment ma "bonne fortune".
J'espère être la sienne.
Pour Dorian, et pour mille autres raisons, mon premier "Voyage" avec le Voyage de Noz, que je continue de suivre tant bien que mal. Ils sont depuis longtemps en lien sur ce blog, je les ai vus, écoutés, écrits… J'espère que cette histoire ne s'arrêtera pas là.
Et Dorian ? Un autre Fou bien-aimé avec lequel j'ai arpenté les rues d'un Vieux Port et maints lieux de perdition.
Pour V., "Bang Bang" de Nancy Sinatra, rappelé à tous les souvenirs par la BO de Kill Bill. Parce que V. est Bill, parmi maints autres rôles joués auprès de moi, que j'aurais pu décliner en maintes autres chansons. Parce que lui et ses ombres restent un part de moi, même à présent.
Pour quel aimé, "Into the West" ? Pour quel roi qui n'en finit pas de revenir ?
Pour Aragorn, pour Arthur ?
Plus que cela.
Pour les Elfes. Pour les navires. Pour la Mer, la vraie, celle qui emporte nos coeurs avec elle. Pour les Iles à l'Ouest du monde.
Pour l'Exilée en moi, et pour tous les "vrais marins".
Cela fait quatre seulement.
Voici pour C.
Encore un voyage, n'est-ce pas ?
C'est dans la nature de la musique.
Vers Avalon, vers tous les autres mondes, et le coeur de ce Prince-là.
J'ai triché.
Mais je suis revenue à ce blog.
Merci, Lucie.
Trop longtemps.
Le trop long temps du manque, de l'absence, de la nostalgie, de l'enfouissement sous le travail.
Le trop long temps du sable qui glisse entre vos doigts.
Trop longtemps et tant à dire.
Alors je commence par répondre à un défi impossible, celui de Lucie :
- Choisir 5 chansons qui vous ressemblent et dire pourquoi
- Faire une petite playlist avec
- Rajouter en sixième position "The Song", celle que vous aimez d’amour, plus jamais vous ne pourrez vivre sans
- Et taguer 5 personnes de votre choix.
Bien sûr, c'est un de ces jeux où tout le monde triche, où la tricherie est inscrite dans la règle du jeu.
Parce que personne ne peut se limiter à choisir cinq, ni six, chansons.
Parce que la musique est l'art volatil, l'art changeant, l'art du temps qui fuit entre nos doigts, justement.
Parce que l'autoportrait, même musical, même chinois, est toujours faussé.
J'ai donc choisi cinq chansons qui me parlent d'amour, qui parlent de mes amours.
Parce que c'est un des grands rôles, une des grandes magies de la musique. Pas un cliché, non, beaucoup plus que cela. Tous les amoureux se retrouvent en chansons.
Et parce que c'est, tout compte fait, une belle façon de se définir :
Je suis ceux que j'aime.
Qu'il en soit ainsi.
Même si pour chacun d'entre eux j'aurais pu choisir dix autres chansons.
Pour M., mon Amour, mon Fou, ma Joie, l'homme qui partage ma vie : "Good Fortune" de P.J. Harvey.
Au tout début, dans les remous et les ténèbres, dans le froid de l'éloignement, il m'envoyait des chansons, comme font tous les Amoureux, et nous nous raccrochions au fil de ces notes lancées à travers l'abîme.
Celle-ci, parce qu'il est vraiment ma "bonne fortune".
J'espère être la sienne.
Pour Dorian, et pour mille autres raisons, mon premier "Voyage" avec le Voyage de Noz, que je continue de suivre tant bien que mal. Ils sont depuis longtemps en lien sur ce blog, je les ai vus, écoutés, écrits… J'espère que cette histoire ne s'arrêtera pas là.
Et Dorian ? Un autre Fou bien-aimé avec lequel j'ai arpenté les rues d'un Vieux Port et maints lieux de perdition.
Pour V., "Bang Bang" de Nancy Sinatra, rappelé à tous les souvenirs par la BO de Kill Bill. Parce que V. est Bill, parmi maints autres rôles joués auprès de moi, que j'aurais pu décliner en maintes autres chansons. Parce que lui et ses ombres restent un part de moi, même à présent.
Pour quel aimé, "Into the West" ? Pour quel roi qui n'en finit pas de revenir ?
Pour Aragorn, pour Arthur ?
Plus que cela.
Pour les Elfes. Pour les navires. Pour la Mer, la vraie, celle qui emporte nos coeurs avec elle. Pour les Iles à l'Ouest du monde.
Pour l'Exilée en moi, et pour tous les "vrais marins".
Cela fait quatre seulement.
Voici pour C.
Encore un voyage, n'est-ce pas ?
C'est dans la nature de la musique.
Vers Avalon, vers tous les autres mondes, et le coeur de ce Prince-là.
J'ai triché.
Mais je suis revenue à ce blog.
Merci, Lucie.
mercredi 4 juin 2008
ELENA ANDREEVNA : HOMMAGE
Elle a vingt-sept ans. Elle est belle, instruite, élégante, mariée à un vieillard presque célèbre.
Elle irradie. Elle est la passante aérienne qu'on n'en peut plus de désirer.
Elle n'en peut plus de porter ce poids-là.
Que les hommes la désirent forcément (sauf celui qu'il faudrait), que les femmes la craignent, qu'on la change en icône.
Ce n'est pas une "pauvre petite fille riche". Ce n'est pas du tout une petite fille.
C'est une femme, une vraie, riche d'une intense vie intérieure.
C'est une femme, mais elle n'est pas entière. Elle ne le sera jamais. Cette intégrité, c'est le monde lui-même qui la lui dénie.
Le monde, et pas seulement les conventions sociales. Elena Andreevna, qui a la grâce suprême de l'humilité, se prétend et se croit terne, petite bourgeoise, canari encagé trop faible pour fuir.
Mais ce n'est pas la faiblesse qui rogne ses ailes, ralentit ses gestes, assoupit son pas. Ce n'est pas le manque d'envergure qui l'emprisonne. Ce n'est pas même seulement le sens du devoir.
C'est le monde, et la science qu'elle en a. Une science innée et infinie, celle de la Russie et de son passé, un savoir qui la condamne à la lassitude et à l'acceptation.
Elena Andreevna est condamnée à comprendre.
Et celle qui comprend ne peut haïr, ni se rebeller, ni fuir.
Elle n'a pas le choix.
A peine peut-elle, parfois, se réfugier dans un livre ou dans un jardin, à l'abri des regards et des passions.
Elle n'a pas le choix, il ne lui reste qu'à regarder les hommes errer et se détruire, et ne rien pouvoir faire, sa volonté émoussée par son âme trop vaste, sa conscience trop ancienne.
Elle ne recevra en viatique que l'absolution de sa beauté, une amère consécration.
Elle regardera la jeune fille impétueuse épouser l'idéaliste qu'elle ne comprend pas, que seule Elena elle-même aurait pu comprendre et accompagner, s'il avait voulu, s'il avait su davantage, si elle-même avait su moins.
Elle regardera ces couples mal assortis, impossibles, condamnés — comme le sien — et rêvera parfois de ce qui aurait pu être, dans un monde plus jeune.
Elle n'a pas le choix, et c'est sublime.
Elle s'éloignera de nous, et de tous, de plus en plus lentement, une silhouette diaphane que son fardeau ne courbe pas.
Et finira par se dissoudre, on entendra à peine un soupir,car elle est modeste et polie, elle ne sait pas qu'elle est la mélancolie même, que sa beauté nous serre le coeur, ni que cette beauté est celle de son âme.
Elle ne sait pas qu'elle est l'un des plus beaux personnages de femme jamais créés.
Elena Andreevna ne se prend pas au sérieux. Comme tous les enfants des mondes finissants, elle a l'élégance discrète de l'auto-dérision.
Elle sourit, hausse les épaules.
Elle quitte la scène.
Et voilà que son fardeau pèse sur nos propres épaules.
Tcheckhov, L'Homme des Bois, Comédie de Genève
Elle irradie. Elle est la passante aérienne qu'on n'en peut plus de désirer.
Elle n'en peut plus de porter ce poids-là.
Que les hommes la désirent forcément (sauf celui qu'il faudrait), que les femmes la craignent, qu'on la change en icône.
Ce n'est pas une "pauvre petite fille riche". Ce n'est pas du tout une petite fille.
C'est une femme, une vraie, riche d'une intense vie intérieure.
C'est une femme, mais elle n'est pas entière. Elle ne le sera jamais. Cette intégrité, c'est le monde lui-même qui la lui dénie.
Le monde, et pas seulement les conventions sociales. Elena Andreevna, qui a la grâce suprême de l'humilité, se prétend et se croit terne, petite bourgeoise, canari encagé trop faible pour fuir.
Mais ce n'est pas la faiblesse qui rogne ses ailes, ralentit ses gestes, assoupit son pas. Ce n'est pas le manque d'envergure qui l'emprisonne. Ce n'est pas même seulement le sens du devoir.
C'est le monde, et la science qu'elle en a. Une science innée et infinie, celle de la Russie et de son passé, un savoir qui la condamne à la lassitude et à l'acceptation.
Elena Andreevna est condamnée à comprendre.
Et celle qui comprend ne peut haïr, ni se rebeller, ni fuir.
Elle n'a pas le choix.
A peine peut-elle, parfois, se réfugier dans un livre ou dans un jardin, à l'abri des regards et des passions.
Elle n'a pas le choix, il ne lui reste qu'à regarder les hommes errer et se détruire, et ne rien pouvoir faire, sa volonté émoussée par son âme trop vaste, sa conscience trop ancienne.
Elle ne recevra en viatique que l'absolution de sa beauté, une amère consécration.
Elle regardera la jeune fille impétueuse épouser l'idéaliste qu'elle ne comprend pas, que seule Elena elle-même aurait pu comprendre et accompagner, s'il avait voulu, s'il avait su davantage, si elle-même avait su moins.
Elle regardera ces couples mal assortis, impossibles, condamnés — comme le sien — et rêvera parfois de ce qui aurait pu être, dans un monde plus jeune.
Elle n'a pas le choix, et c'est sublime.
Elle s'éloignera de nous, et de tous, de plus en plus lentement, une silhouette diaphane que son fardeau ne courbe pas.
Et finira par se dissoudre, on entendra à peine un soupir,car elle est modeste et polie, elle ne sait pas qu'elle est la mélancolie même, que sa beauté nous serre le coeur, ni que cette beauté est celle de son âme.
Elle ne sait pas qu'elle est l'un des plus beaux personnages de femme jamais créés.
Elena Andreevna ne se prend pas au sérieux. Comme tous les enfants des mondes finissants, elle a l'élégance discrète de l'auto-dérision.
Elle sourit, hausse les épaules.
Elle quitte la scène.
Et voilà que son fardeau pèse sur nos propres épaules.
Tcheckhov, L'Homme des Bois, Comédie de Genève
dimanche 1 juin 2008
BEYOND THE DEBATABLE HILLS
Croyez-vous aux Fées? En la réincarnation? Croyez-vous au génie? Croyez-vous aux êtres bénis, aux êtres maudits? Croyez-vous aux autres mondes? Aux absolus dont on ne revient pas, comme dans les contes? Croyez-vous aux contes?
Si vous croyez en quelque chose, vous croierez en elle, n'en doutez pas.
Vous l'aimerez.
Elle était parée de tous les dons, comme la jeune princesse de la Belle au Bois Dormant. De bien des façons elle deviendra l'héroïne du conte.
Elle avait la beauté, et aussi le charme qui peut-être importe davantage. Les yeux les plus bleus du monde — ou les plus gris? ou les plus verts? — les yeux les plus clairs et changeants et fascinants du monde, céruléens, des yeux portes vers un ciel différent. La voix la plus captivante, la plus mélodieuse. Aucun de ceux qui l'ont entendue ne l'a oubliée.
Elle savait que l'élégance des parures n'est pas une simple affeterie mondaine, que ce n'est pas un hasard si les princesses, les fées, les dames élues des chevaliers, ne sont pas seulement belles mais aussi bien vêtues. Elle avait cet art-là, le choix des coupes, l'harmonie des couleurs.
Elle portait l'un des prénoms les plus magiques au monde, l'un de ceux qui font sens, qui sont immenses, un nom de pouvoir capable de réduire un démon au silence.
Elle avait la richesse, et l'éducation, et l'intelligence, et le talent.
Elle avait des amis, et ceux-là étaient les esprits les plus riches, les plus subtils, les plus brillants, de son temps. Elle était membre d'un de ces cercles dont nous rêvons à présent, que nous contemplons avec une envie incrédule. Comment se peut-il qu'en un certain lieu, à un certain moment, se rassemblent de tels êtres? Cela se peut. C'est dans la nature du cercle, la nature de tous les cercles, avant même la Table Ronde.
Elle avait la chance. Ne méprisez pas ce don-là. De tous il est celui qui marque le mieux l'élection.
Elle écrivait. Elle parlait. Cinq langues, de l'anglais au zoulou. Elle savait que les langues recèlent l'une des plus anciennes et des plus pérennes magies de notre Terre.
Elle aimait. Elle jouait. Elle était assez secrète pour interdire au monde de voir la différence.
Elle savait où se trouvent les frontières : dans nos esprits. Elle savait, elle n'a pas cessé de le répéter, dans ses actes et dans ses livres. Nous sommes Grecs, Anglais, Zoulous, tout cela ensemble. L'amour aussi est tout cela ensemble, pour un homme ou une femme, pour une amante, une mère, une amie, quelle différence? Puisque le sang des Fées coule aussi dans les veines du marchand le plus terre à terre.
Elle savait où se trouve la plus importante des frontières, celle qui nous sépare du Peuple Silencieux des Morts. Cette frontière-là se passe à jamais.
Quand la Mort passe, et emporte votre Aimé, votre Aimée, le monde est changé à jamais.
Comme la Belle du conte, vous dormez, loin des hommes, séparée d'eux par les ronces épaisses du secret. Plus jamais vous ne serez des leurs, plus jamais vous ne marcherez parmi eux, ne parlerez leur langue.
Il y a bien des collines dont nous ne savons plus le nom ni la place, des collines qui peut-être n'existent pas en ce monde, mais que trouvent nos pas quand il le faut vraiment.
Et lorsque près de cent ans seront écoulés, elle laissera enfin son âme échapper, son corps se faner et s'éteindre.
Car sans doute était-elle bien une Fée, en fin de compte. C'est la seule explication possible. Ou la plus simple, de beaucoup. N'a-t-elle pas sans cesse répété cela? Que le sang des Fées coulait aussi dans les veines du marchand le plus terre à terre. Ses aïeux étaient des marchands.
Elle s'appelait Hope Mirrlees.
Et un jour, par jeu, avec un absolu sérieux, elle a publié Lud-in-the-Mist.
The Lady Who Wrote Lud-in-the-Mist
Hope Mirrlees sur Wikipedia
Lud-in-the-Mist sur Amazon
Si vous croyez en quelque chose, vous croierez en elle, n'en doutez pas.
Vous l'aimerez.
Elle était parée de tous les dons, comme la jeune princesse de la Belle au Bois Dormant. De bien des façons elle deviendra l'héroïne du conte.
Elle avait la beauté, et aussi le charme qui peut-être importe davantage. Les yeux les plus bleus du monde — ou les plus gris? ou les plus verts? — les yeux les plus clairs et changeants et fascinants du monde, céruléens, des yeux portes vers un ciel différent. La voix la plus captivante, la plus mélodieuse. Aucun de ceux qui l'ont entendue ne l'a oubliée.
Elle savait que l'élégance des parures n'est pas une simple affeterie mondaine, que ce n'est pas un hasard si les princesses, les fées, les dames élues des chevaliers, ne sont pas seulement belles mais aussi bien vêtues. Elle avait cet art-là, le choix des coupes, l'harmonie des couleurs.
Elle portait l'un des prénoms les plus magiques au monde, l'un de ceux qui font sens, qui sont immenses, un nom de pouvoir capable de réduire un démon au silence.
Elle avait la richesse, et l'éducation, et l'intelligence, et le talent.
Elle avait des amis, et ceux-là étaient les esprits les plus riches, les plus subtils, les plus brillants, de son temps. Elle était membre d'un de ces cercles dont nous rêvons à présent, que nous contemplons avec une envie incrédule. Comment se peut-il qu'en un certain lieu, à un certain moment, se rassemblent de tels êtres? Cela se peut. C'est dans la nature du cercle, la nature de tous les cercles, avant même la Table Ronde.
Elle avait la chance. Ne méprisez pas ce don-là. De tous il est celui qui marque le mieux l'élection.
Elle écrivait. Elle parlait. Cinq langues, de l'anglais au zoulou. Elle savait que les langues recèlent l'une des plus anciennes et des plus pérennes magies de notre Terre.
Elle aimait. Elle jouait. Elle était assez secrète pour interdire au monde de voir la différence.
Elle savait où se trouvent les frontières : dans nos esprits. Elle savait, elle n'a pas cessé de le répéter, dans ses actes et dans ses livres. Nous sommes Grecs, Anglais, Zoulous, tout cela ensemble. L'amour aussi est tout cela ensemble, pour un homme ou une femme, pour une amante, une mère, une amie, quelle différence? Puisque le sang des Fées coule aussi dans les veines du marchand le plus terre à terre.
Elle savait où se trouve la plus importante des frontières, celle qui nous sépare du Peuple Silencieux des Morts. Cette frontière-là se passe à jamais.
Quand la Mort passe, et emporte votre Aimé, votre Aimée, le monde est changé à jamais.
Comme la Belle du conte, vous dormez, loin des hommes, séparée d'eux par les ronces épaisses du secret. Plus jamais vous ne serez des leurs, plus jamais vous ne marcherez parmi eux, ne parlerez leur langue.
Il y a bien des collines dont nous ne savons plus le nom ni la place, des collines qui peut-être n'existent pas en ce monde, mais que trouvent nos pas quand il le faut vraiment.
Et lorsque près de cent ans seront écoulés, elle laissera enfin son âme échapper, son corps se faner et s'éteindre.
Car sans doute était-elle bien une Fée, en fin de compte. C'est la seule explication possible. Ou la plus simple, de beaucoup. N'a-t-elle pas sans cesse répété cela? Que le sang des Fées coulait aussi dans les veines du marchand le plus terre à terre. Ses aïeux étaient des marchands.
Elle s'appelait Hope Mirrlees.
Et un jour, par jeu, avec un absolu sérieux, elle a publié Lud-in-the-Mist.
The Lady Who Wrote Lud-in-the-Mist
Hope Mirrlees sur Wikipedia
Lud-in-the-Mist sur Amazon
Inscription à :
Articles (Atom)